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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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comme par Dieudonné. Il
roule l’
o
et y superpose les accents circonflexes. On
dirait, quand il pense à l’embarcation, que la longue houle et le
son rauque des mers de Guyane lui sont restés dans la gorge.
    – Elle est sûre, répond Acoupa. Le noir avait
quarante ans. Il était solide. Il péchait depuis dix ans sur la
côte. À première vue, il ne paraissait pas être une fripouille.
Trois mille, plus deux cents, plus cent, lui dis-je. Il
répondit : « Pas plus !» On se toucha la main.
C’était conclu. Je sortis avec lui.
    – Quel jour ? me demanda-t-il.
    – Après-demain, le 6.
    – Le rendez-vous ?
    – Cinq heures du soir, à la pointe de la
Crique Fouillée.
    – Entendu !

Chapitre 5 DÉPART
     
    – Un par un, chacun de son côté, moi en pékin,
mes scies sur l’épaule, les cinq autres en forçats, numéro sur le
cœur, nous voilà le 6 décembre, – tenez, cela, pour moi, c’est une
date, – quittant Cayenne, le cœur battant.
    Et l’œil perçant.
    Je n’ai pas vu, à ce moment, mes compagnons,
mais je me suis vu. Ils ont dû partir dans la rue, comme ça, sans
un autre air que leur air de tous les jours. S’ils apercevaient un
surveillant, ils faisaient demi-tour et marchaient, en bons
transportés, du côté du camp.
    Je croisais des forçats ; ils me
semblaient subitement plus malheureux que jamais. J’avais pour eux
la pitié d’un homme bien portant pour les malades qu’il laisse à
l’hôpital. L’un que je connaissais me demanda : « Ça
va ? » Sans m’arrêter, je lui répondis : « Faut
bien ! » Je rencontrai aussi M e Darnal,
l’avocat. « Eh bien ! Dieudonné, quand venez-vous
travailler chez moi ? » J’avais une rude envie de lui
répondre : « Vous voulez rire, aujourd’hui, monsieur
Darnal ! » Je lui dis : « Bientôt ! »
Je tombai également sur un surveillant-chef, un Corse. On
n’échangea pas de propos. Je me retournai tout de même pour le voir
s’éloigner. Je ne tenais pas à conserver dans l’œil la silhouette
de l’administration pénitentiaire ; c’était, au contraire,
dans l’espoir de contempler la chose pour la dernière fois. Je me
retins pour ne pas lui crier : « Adieu ! »

LE PREMIER DANGER
     
    J’atteignis le bout de Cayenne. La brousse
était devant moi. Un dernier regard à l’horizon. Je disparus dans
la végétation.
    Il s’agissait, maintenant, d’éviter les
chasseurs d’hommes. En France, il y a du lièvre, du faisan, du
chevreuil. En Guyane, on trouve de l’homme. Et la chasse est
ouverte toute l’année ! J’aurais été un bon coup de fusil,
sans me vanter. La « Tentiaire » aurait doublé la prime.
Fuyons la piste. Et, comme un tapir, je m’avançai en pleine forêt.
Au bout d’une heure, je m’arrêtai. J’avais entendu un froissement
de feuilles pas très loin. Était-ce une bête ? un
chasseur ? un forçat ? Je m’aplatis sur l’humus. La tête
relevée, je regardai. C’était Jean-Marie, le Breton. Je l’appelai.
Ah ! qu’il eut peur ! Mais il me vit. En silence, tous
deux, nous marchâmes encore une heure et demie, le dos presque tout
le temps courbé. Et nous vîmes la Crique Fouillée.
    Brinot, Menœil, Venet étaient là. On se
blottit. Il ne manquait que Deverrer.
    – S’il ne vient pas, dit Brinot, on aura cinq
cents francs de moins, tout est perdu.
    – J’ai de quoi combler le vide, dis-je. Et
l’on resta sans parler. Chaque fois qu’une pirogue passait, nous
rentrions dans la brousse, puis nous en ressortions quand elle
était au loin.
    Deverrer arriva, les pieds en sang.
    Cinq heures.
    Cinq heures et demie : « Tu vois
Acoupa, toi ? » Six heures : « Ah ! le
sale nègre ! S’il nous laisse là, les chasseurs d’hommes vont
nous découvrir. » Rien non plus à six heures et demie.
« Pourvu qu’il ne nous ait pas vendus ? Ou le Chinois,
peut-être ? »
    Nous sommes accroupis dans la vase, le cœur
envasé aussi.
    La crique devient obscure. Une pirogue se
dessine sur la mer. Elle avance lentement, quoique nos désirs la
tirent… très lentement, prudemment.
    Je me dresse. Je fais un signe. J’ai reconnu
Acoupa.
    La pirogue se hâte, elle est suivie d’une
autre, une autre plus petite. Le Chinois la monte !
    Je puis dire que, sur le moment, nous nous
mîmes à les adorer, ces deux hommes-là !
    Ceux qui ont des souliers se déchaussent, et
nous embarquons.
    Le Chinois saute dans la pirogue avec nous. Il
allume sa lanterne.
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