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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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Garnier
pour son assassin, ensuite il en a désigné un second. Moi, je suis
le troisième, dans quelques jours il en reconnaîtra un
quatrième ; alors, le juge comprendra que cet homme n’est pas
solidement équilibré. » Bref, les déclarations de Garnier, de
Bonnot m’innocentant, à l’heure de leur mort, celles de Callemin
après le verdict, mes protestations angoissées, mes témoins, la
défense passionnée de Moro-Giafferri, toute ma vie honnête, le cri
de M e Michon : « Mais, messieurs les jurés, sa
concierge même est pour lui ! » rien n’y fit :
« Dieudonné aura la tête tranchée sur une place
publique. »
    « J’ai encore les mots dans l’oreille.
Tenez : je l’avoue, je n’ai pas le courage de la guillotine.
Être décapité comme une bête de boucherie, mourir par sentence pour
un crime que l’on n’a pas commis. Léguer à son fils le nom d’un
misérable. Ah ! laissez-moi respirer…
    – Et que pensez-vous de Caby ?
    – Je pense qu’un homme doit avoir une haute
conscience ou une belle intelligence pour oser déclarer :
« Je me suis trompé ».
    – Il l’a déclaré, puisqu’il s’est démenti
lui-même deux fois.
    – Justement ! Il faut savoir
s’arrêter ! Mais qu’il vive en paix, je ne veux plus penser à
lui.
    * * *
    Dieudonné reprend :
    – J’ai connu des heures effrayantes dans ma
cellule de condamné à mort. Moro-Giafferri me réconfortait. Sans
lui, je me serais suicidé. Ce n’est pas la mort qui me faisait
peur, c’est le genre de mort.
    « Le 21 avril 1913, à 4 heures du matin,
on ouvrit cette cellule. On ouvrait en même temps celles de
Callemin, de Monnier et de Soudy. À moi, in extremis, on annonça la
grâce. J’entendais les autres qui se hâtaient pour aller à la mort.
J’avais vécu si longtemps en pensant à cette minute que, sur le mur
de mon cachot, j’aperçus comme sur un écran, leurs têtes qui
tombaient.
    « Les gardiens revinrent de l’exécution.
Quelques-uns pleuraient. Dehors, il pleuvait. J’entrevis le bagne.
Une faiblesse me prit. Un inspecteur me soutint. J’étais forçat
pour la vie.
    « Voilà ce que j’ai fait dans la bande à
Bonnot. J’ai été condamné à mort pour un crime commis par Garnier.
C’est toujours un immense malheur d’être condamné sans motif ;
c’en est un plus grand de l’avoir été dans le procès dit des
« bandits tragiques ». Depuis quinze ans, je
l’expérimente. Vous pourrez l’écrire autant que vous le voudrez, le
doute demeurera toujours dans les esprits. Les quarante-trois ans
de ma vie honnête et souffrante n’effaceront pas la honte de la
fausse condamnation. Les regards timides me fuiront toujours, les
portes se fermeront.
    « Demain, un autre homme que vous me
demandera : « Que faisiez-vous dans la bande à
Bonnot ? » Qu’il aille au diable !
    * * *
    Un aviateur sortant de table vint me rejoindre
sur la terrasse. Je lui présentai Dieudonné. On parla de
l’histoire, bien entendu. Un moment plus tard, l’aviateur se pencha
vers l’évadé :
    – Enfin, lui demanda-t-il, que faisiez-vous
dans la bande à Bonnot ?

Chapitre 3 LA « BELLE »
     
    Le lendemain, Dieudonné entrait dans ma
chambre.
    – Maintenant, à nous deux, lui dis-je, vous
allez me conter votre évasion. Un beau matin, donc, vous décidez de
fuir le bagne.
    – Un beau matin ? Vous croyez ça ?
J’ai toujours voulu m’évader.
    Il s’assit sur mon lit et commença :
    – Il faut être un individu pourri pour
consentir à vivre au bagne, quand on est innocent. Seulement, ce
n’était pas commode. Savez-vous ce qu’est le bagne pour les
« têtes de turc » comme moi ? Le pays de la
perpétuelle délation.
    Qu’un forçat ordinaire lève le camp, cela
compte dans le nombre ; on n’avertit pas Paris, les chefs ne
sont pas blâmés.
    Pour des hommes de ma sorte, il en est
autrement. Les administrateurs préviennent le coup. Ils lancent sur
le malheureux tous les chiens galeux de la Guyane : les
mouchards !
    Mouchard, votre voisin de case à qui vous
donnez du tabac ; mouchard, le balayeur privilégié qui flâne
dans l’île. Le perruquier, le garçon de famille, le planton,
l’infirmier, mouchards ! Il faut bien qu’ils gardent leur
emploi ! Mouchards, les plus misérables, attachés aux corvées
dégoûtantes ; ceux-là espèrent, par leur bassesse, mériter une
meilleure place. Mouchards honteux, mouchards cyniques, mouchards
doubles,
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