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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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témoignage
incertain.
    L’enquête fut reprise, les dossiers rouverts.
Puis, un matin de 1926, M e de Moro-Giafferri et quelques
autres pénétraient au ministère de la Justice.
    Ils allaient demander la grâce de
Dieudonné.
    Les chefs du bagne la réclamaient avec
eux.
    Le gouverneur de la Guyane également.
    La grâce fut refusée.
    * * *
    Deux mois après cela, je recevais une lettre
de Cayenne. Elle n’était pas d’un forçat, mais d’un colon. La
voici :
    « Cher Monsieur,
    » Vous devez savoir que, malgré l’avis de
tous, ici, la grâce vient d’être refusée à Dieudonné. Depuis deux
ans, il ne vivait que de cet espoir. C’est bien triste de berner
les pauvres gens. Je le crois innocent. En tout cas, il a
proprement payé. Ne pourriez-vous agir de nouveau ? Il serait
moral de récompenser ceux qui, dans ce monde affreux du bagne, ont
su rester des travailleurs et des êtres propres… S’il s’évade, ce
n’est pas nous, de Cayenne, qui lui souhaiterons malheur,
etc. »
    Pour la troisième fois, Dieudonné s’évada.
    * * *
    C’était au mois de juillet. Des dépêches
annonçaient que Dieudonné n’était pas mort, qu’on l’avait découvert
dans l’État de Para, que le Brésil l’avait mis en prison, puis
relâché ; un taxi me déposait, 18, rue d’Enghien, au
Petit
Parisien
. Je venais voir M. Élie-Joseph Bois, grand maître des
vents et marées de l’opinion publique.
    – Et Dieudonné ? me demanda-t-il sans me
laisser le temps de m’asseoir. C’est une histoire, celle-là. Vous
le connaissez, il faudrait retrouver l’homme.
    – Mais il est au Brésil.
    – Et après ?
    C’était bien évident. Le Brésil n’était pas
aussi loin que la lune ; on rédigea des câbles, on réveilla
des consuls au delà des mers, on fit ce qu’il fallait faire. Je
partis pour le Brésil.
    * * *
    Là, se placent vingt jours d’océan.
    Le vingt et unième, à sept heures du matin,
l’
Hœdic
, paquebot des Chargeurs Réunis, entrait, sans
triomphe spécial, dans la baie de Rio de Janeiro.
    Puis il allait à quai.
    À cet instant de la journée, les personnes
raisonnables ne se promènent pas le long des ports ; elles
sont dans leur lit. On comptait cependant une quinzaine d’individus
observant la manœuvre du bateau.
    « Voyons, me dis-je, comment était-il mon
homme, la dernière fois que je le vis ? »
    Je me rappelai son crâne et sa face
rasés ; et la scène de nos adieux vint à ma mémoire. Il avait
le corps dans sa cellule, la tête dans le guichet, qui semblait
vouloir le guillotiner, et, de ses yeux mangés de fièvre, il me
regardait partir. C’était, voilà quatre ans, au bagne.
    – Si les Brésiliens ne l’ont pas remis en
prison et que nos câbles l’aient touché, il doit être par ici.
    J’en étais là de mes pensées, quand Hippolyte,
garçon du bord, me prévint qu’un monsieur me demandait.
    – Il est à terre, au bout du bateau, près de
l’hélice, ajouta-t-il.
    Je me portai sur l’arrière.
    – Bonjour ! me cria-t-on. Eh ! bien
le bonjour !
    C’était un homme pas très grand, coiffé d’un
canotier et vêtu d’un complet bleu marine. Il avait des moustaches
en brosse et des souliers tout neufs du matin même. Je crus voir en
même temps qu’il n’était pas follement gras.
    – Eh ! bien le bonjour !
répéta-t-il.
    Comme je me penchais sur la
rambarde :
    – Je ne vous reconnais pas exactement, mais je
comprends que c’est vous fit-il.
    – Moi, je ne vous reconnais pas du tout.
    – Pardi, j’ai changé de tenue !
    – Alors, c’est vous ?
    Et, d’une voix sourde, il prononça :
« Dieudonné ».
    L’homme était retrouvé.

Chapitre 2 QUE FAISIEZ-VOUS DANS LA BANDE À BONNOT ?
     
    Nous étions installés tous deux sur l’une des
collines du grand port, à Santa Théréza, parce que, dans Rio, il
faisait chaud déjà.
    Cet endroit s’appelait l’hôtel
Moderno
. Là, descendent les Français. On y voyait des
officiers de la mission militaire, des professeurs de Sorbonne en
tournée de conférences, des ingénieurs de Polytechnique, Mme Vera
Sergine et sa troupe, M. le consul de France, les aviateurs de la
future ligne Paris-Buenos-Aires en sept jours.
    Le bagne venait d’y entrer.
    Nous avions beau, l’évadé et moi, changer le
sujet de notre conversation toujours le sujet était le plus fort.
Nous en revenions à l’évasion.
    – Alors, ce fut « assez
réussi » ? lui demandai-je.
    Il secoua la tête
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