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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser
Autoren: Patrick Segal
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plus en avance que moi; enfin
j'ai une excuse, mes grands-parents étaient des oiseaux moyens-pauvres. Oui,
nous habitions la campagne et ne chantions que rarement, il y avait si peu de
grain dans les champs. Là-bas, dans ton pays, ils chantent les oiseaux ?
    -
Oui, bien sûr.
    -
Comment t'appelles-tu ?
    -
Patrick... et toi ?
    -
Moi, c'est Hong-Xue.
    -
Rouge-Neige? En voilà un drôle de nom, tu es tout jaune.
    -
Ah ! si tu commences à juger sur les apparences, nous n'allons pas nous
entendre.
    -
Rouge-Neige et les sept nains...
    -
C'est quoi cette histoire ? Est-ce que cela ressemble à nos opéras à la gloire
du grand timonier ?
    -
Tu ne serais pas au parti par hasard ?
    -
Ecoute, l'ami, tu ne sais pas de quoi tu parles. Apprends d'abord à te
connaître, toi et tes contradictions. Ton président, là-bas, chez toi, est-ce
qu'il vous a fait faire un bond en avant ?
    —
Non, Rouge-Neige, tu ne m'auras pas. Aujourd'hui, c'est Noël, je n'ai pas envie
de parler politique. »
    Il
s'était recroquevillé, le bec sous l'aile comme un vieux sage, l'œil à demi
clos.
    Nous
allions vivre ensemble pendant presque une année.
     
     
    *
     
    Cette
année chinoise, ce tournant dans ma nouvelle vie, fut un combat contre le
temps, contre mes impulsions de cheval fougueux. J'appris la patience, l'art de
meubler l'espace réduit de ma chambre, et les longues heures ponctuées par les
repas et les cérémonies du thé.
    Avant
d'atteindre la ville impériale, je séjournai deux mois à Canton en attendant le
visa pour Pékin, véritable sésame médical: Pékin et ses spécialistes détenaient
mon dossier médical et le pouvoir de me faire rester ici ou de me renvoyer à
l'Occident.
    L'interprète,
Mme Li, qui avait mon âge, m'avait conseillé d'attendre près de mon téléphone
la réponse de Pékin. Le temps passa. Puis Mme Li me quitta. Le jour de son
départ, elle vint me saluer et, sans un mot, les yeux un peu rouges, elle prit
le train du Nord, me laissant à mes rêveries de vagabond solitaire.
    Le
médecin chinois venait chaque jour pour la séance d'acupuncture, ce qui
intéressait fortement les garçons d'étage qui commentaient le traitement. Le
docteur posait ses aiguilles sur la face postérieure de mes jambes, puis, entre
pouce et index, leur donnait un mouvement rotatoire continu. Il prenait ses
repères anatomiques avec la mesure de ses doigts sans aucune hésitation. A la
base du cou, la douleur était vive, puis tout disparaissait au fur et à mesure
qu'il tournait les aiguilles. Je sursautais à chaque nouvelle piqûre. Conscient
de la douleur infligée dans certaines zones, notamment dans la cicatrice qui me
barrait le dos, le docteur me disait :
    «
Cela vous fait mal, n'est-ce pas ? Mais la douleur est signe d'efficacité. »
    Il
riait en me regardant boire d'infectes décoctions qui me soulevaient le cœur.
    Bien
vite les piles de mon petit magnétophone rendirent l'âme et je ne pus me
réapprovisionner. L'adieu à la musique fut de loin le plus dur, un peu comme
Robinson constatant que ses réserves de nourriture avaient été dévorées par les
rats. J'aurais fait n'importe quoi pour entendre Mozart ou Verdi.
    Alors,
fallait-il repasser le rideau de bambou et rentrer à Paris? Non, j'étais résolu
à aller jusqu'au bout. Je voulais essayer ce traitement comme on s'attaque à
la face sud de l'Everest. La solitude et ses miasmes étaient le prix de l'ascension,
je l'avais décidé ainsi et chaque jour passé était une victoire sur la
facilité.
    Un
matin pourtant, le téléphone sonna. Mauvaise nouvelle : Pékin n'avait pas
répondu et mon visa expirait le lendemain. Je refis mon sac; j'allais retrouver
ma musique et le regard de Mathieu qui souffrirait de mon échec. J'avais tout
tenté et, gentiment, presque en m'excusant, je remerciai mes amis chinois en
leur disant : je reviendrai.
    Le
lendemain, une heure avant de prendre mon train, l'interprète, accompagné du
responsable du ministère des Affaires étrangères, pénétra dans ma chambre dans
un état d'excitation peu courant pour un Chinois.
    «
J'ai votre billet d'avion pour Pékin et votre visa. »
    Je
fermai un instant les yeux, heureux de ma maigre victoire. Les chemins
difficiles et les portes étroites, me disais-je, aboutissent toujours quelque
part. Le hasard n'existe pas.
     
    Dans
l'avion qui me conduisait à Pékin, je me jetai sur le -repas presque diététique
: deux pommes, un chewing-gum et un paquet de cigarettes auquel je ne
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