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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser
Autoren: Patrick Segal
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demandant d'ouvrir le sac en papier marron venant
de la « pharmacie » du Vétéran Hospital. A la vue des cinq cents préservatifs, ses yeux se sont faits tout ronds.
«  Qu'est-ce que vous faites avec ça ?... » Il aurait de quoi raconter à
sa femme pendant les longues soirées d'ennui.
    A Paris, devant la porte de mon
appartement, j'ai trouvé une pile de courrier, quelques paquets, et un cadeau.
Le plus beau cadeau pour mes trente ans. Des inconnus, jeunes et moins jeunes,
m'avaient écrit un mot du cœur. « Nous avons lu dans votre livre que depuis
cinq ans vous avez toujours passé votre anniversaire en tête-à-tête avec la
solitude !»
    Et puis je suis allé m'enquérir des
dernières nouvelles de « l'agence »...
    Juste avant mon départ pour le Canada, nous
avions, en effet, Delphine et moi, décidé d'ouvrir une petite agence, si petite
qu'elle n'avait au début qu'un photographe, moi-même. Puis, avec le temps,
d'autres s'étaient joints à moi, l'agence avait pris de l'ampleur. Des milliers
d'images étaient venues grossir nos archives constituant un immense spectacle
du monde dont j'étais en quelque sorte le conservateur.
    A chacun de mes retours, j'aime à me
plonger dans cette ambiance, voir l'univers à travers le regard des autres
photographes. Mais je ne puis me contenter d'être spectateur. Très vite,
quelque chose d'important me manque. Quelque chose qui me fait vivre. Je veux
être le témoin de la grande parade des hommes, l'acteur, l'avocat des causes
souvent perdues, le vagabond de l'histoire. Voilà pourquoi, cette fois encore, j'ai
rebouclé mon sac. Un soir de février, je n'ai pu résister à cet appel venu de
si loin. J'ai annulé tous mes rendez-vous, j'ai enfilé mon blouson et je suis
reparti. Israël, où grondent les tambours de la guerre, la Chine à la vëille de
son printemps, les Amériques... je voudrais aller partout où l'on pourrait
avoir besoin de moi. Rien, me semble-t-il, ne saurait désormais apaiser ma
soif.

 
    V
     
    UNE NUIT DE SEPT
ANS
     
     
     
    Saint-Malo le 6 novembre 1978
    Pourquoi ai-je annulé ce voyage au Brésil
que me proposait une chaîne de télévision , canadienne? Pourquoi ai-je accepté
de parrainer un bateau de onze mètres engagé dans la première transatlantique
française ?
    Par amour de la mer sans doute... Pour répondre
présent à l'appel des autres, de ces nouveaux humains si longtemps écartés de
la vie, avec ses engagements, ses luttes et ses victoires.
    Un bateau qui servirait de navire-école
pour personnes handicapées, ou tout simplement différentes, voilà quel était
mon rêve en mettant les pieds sur le sol d'Amérique après ma première transat.
    Çe bateau, il serait là, dans quelques
heures, prêt à affronter le gros dos de la vague. La course terminée, il
regagnerait son port d'attache et, comme un enfant du Bel-Espoir, il servirait à faire naviguer et rêver les
enfants oubliés. Mon idée de donner un navire aux gens handicapés n'était pas
nouvelle. Les jambes de bois des pirates de notre enfance sont-là pour nous le
rappeler.
    J'ai accepté de devenir parrain d'une coque
de métal pour donner à ceux qui n'y croient plus une voie de plus vers la
liberté.
    Ce pourrait être un bateau comme les autres
s'il n'avait un secret.
    Il y a sept ans, un jour de Toussaint,
j'étais parti respirer l'air du large pour chasser de gros nuages qui
flottaient dans ma tête.
    A Marseille, j'avais embarqué sur l 'Ambrima avec quelques coéquipiers pour longer les côtes de la
Méditerranée. Je découvrais la mer, ses délices comme ses caprices; je laissais
aller mon corps dans la lutte avec le vent et dans mes reins un feu me
dévorait. Sur \'Ambrima, les heures s'appelaient quarts, et nous nous laissions aller à parler de la vie
que nous ne connaissions pas.
    Cette semaine de mer allait changer le
cours de mon destin. Une jeune fille était à bord, que j'entourai de tendresse
maladroite. C'est elle que je revis le 6 avril 1972 et, ce jour-là, le coup de
feu partit, enfonçant son coin de métal pour mieux laisser pénétrer la mort, et
la jeune fille qui rêvait d'espace et d'oiseaux mit sur le ciel de ma vie un
voile noir taché de rouge sang.
    Dans quelques heures, ce 6 novembre 1978,
je serai sur le quai du port de Saint-Malo pour parrainer ce bateau, nef des
gens de tous bords, normaux ou exceptionnels. Ce bateau n'est rien d'autre que
le descendant de l’ Ambrima.
    Le cœur me serre en montant sur le
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