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Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique
Autoren: Jean-Claude Pomonti
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besogne, il lâchait des rafales de son M 16 dans les cratères de bombes. » « Il n’y aucun danger, expliqua-t-il un jour à deux journalistes qui l’accompagnaient. Si quelqu’un est encore vivant là-dedans, il est dans un tel état de choc qu’il lui faudra une demi-heure avant d’être capable d’appuyer sur la gâchette. » Un autre jour, il aperçut une cinquantaine de soldats nord-vietnamiens survivants qui erraient autour des cratères. Il appela par radio les Cobra (des hélicoptères d’attaque au sol) pour les achever.
    Comme le rapporte à l’époque Larry Stern dans les colonnes du Washington Post, John-Paul Vann nous explique : « Lorsque le vent souffle du nord quand les B-52 transforment le terrain en paysage lunaire, on sait d’après la puanteur du champ de bataille que l’attaque a été efficace. Hors de Kon Tum, à chaque fois qu’on lâche des bombes, on fait voler les cadavres. »
    L’un des principaux théâtres de la guerre se trouve donc entre les mains d’un individu exalté, au passé militaire assez prestigieux pour voir exaucer ses désirs par le commandement stratégique aérien américain. Ce petit bonhomme au regard exorbité nous donne l’impression d’être coupé des réalités.
    Certes, l’utilisation en appui tactique de bombardiers stratégiques lui a permis, fin mai 1972, de dégager Kon Tum à moitié occupée et d’infliger aux Nord-Vietnamiens de lourdes pertes. Mais pendant combien de temps les B-52 américains peuvent-ils encore remplacer l’armée de Sài Gòn alors que Nixon, en pleine campagne pour un deuxième mandat présidentiel, a besoin de convaincre qu’il est sur le point d’obtenir, à Paris, la « paix dans l’honneur » promise en 1968 ?
    John-Paul Vann est-il davantage, lui aussi, qu’un acteur, une sorte de antihéros en quête de sursis ? Que reste-t-il de l’officier, brillant et contestataire, de la guerre politique ? Une fois de plus, le rouleau compresseur américain se substitue à une véritable stratégie. Les États-Unis ont renoncé à obtenir la moindre réforme du régime de Sài Gòn, de plus en plus autocratique. John-Paul Vann, lui, n’a jamais connu l’issue du débat : il trouvera la mort peu après notre visite, au cours d’un vol de nuit, par mauvais temps, à bord de son petit hélicoptère de commandement. Un accident.
    Sài Gòn est un four. Un demi-millier de journalistes étrangers tentent d’y comprendre ou de s’y disputer la moindre information. Partout circule la drogue. Dans d’immenses bidonvilles s’entassent les réfugiés des campagnes aux côtés d’orphelins et d’invalides de guerre aux pensions si dérisoires qu’ils font la manche dans le centre-ville. Lorsque Le Monde m’a recruté en 1968 pour couvrir la deuxième guerre d’Indochine, j’ai choisi de m’installer à Bangkok pour m’évader de temps à autre de cette ambiance à la fois prenante, pesante et déprimante.
    Plusieurs mois par an, je reviens à mon port d’attache à Sài Gòn : l’hôtel Continental. C’est ainsi que je suis présenté à Pham Xuân Ân, dont le bureau se trouve sur place, et à d’autres journalistes vietnamiens qui fréquentent cet hôtel.
    Le Continental est alors sous la houlette de Philippe Franchini, jeune patron partagé entre un fond de tristesse et l’humour. Grand conteur, Philippe est à la fois historien, peintre, décorateur et cinéaste. Ce Franco-Vietnamien, qui se tient délibérément en retrait, a écrit un livre plein d’émotions sur le Viêt Nam en utilisant, comme fil directeur, l’histoire de sa famille et de son hôtel. Il est l’un des rares écrivains à avoir décrit, avec autant de justesse, la société vietnamienne parce qu’il en avait, de l’intérieur, une connaissance intime. Il me fait découvrir le monde des médiums en me conviant à une interminable séance au cours de laquelle une femme d’âge mur finit par incarner Trân Hung Dao, un héros qui infligea une humiliante défaite aux envahisseurs mongols à la fin du XIII e siècle.
    Le personnel de l’hôtel appelle Philippe « Câu Hai », expression à la fois familière et respectueuse du Sud pour désigner un notable, un aîné. Littéralement, on pourrait traduire par « le respecté aîné numéro deux ». Les Sud-Vietnamiens ont toujours évité le « numéro un » pour désigner un aîné afin de lui épargner le mauvais sort, en écarter les mauvais esprits, et
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