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Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique
Autoren: Jean-Claude Pomonti
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cette tradition se perpétue de nos jours. Les employés de l’hôtel doivent nous considérer comme assez complices, Philippe et moi-même, puisqu’ils ne tardent pas à m’appeler « Câu Ba », « le respecté aîné numéro trois ».
    En 2005, soit après trente ans d’absence, Philippe est retourné au Viêt Nam avec sa famille. La nouvelle direction du Continental, un établissement saisi par les autorités en 1975, lui a réservé l’appartement qu’il occupait, au premier étage, quand il en était le patron. Le nouveau personnel lui donne aussi du « Câu Hai ». Philippe a rendu visite à Pham Xuân Ân, qu’il n’avait pas vu depuis exactement trente ans. Lorsqu’il lui a raconté avoir profité de son séjour pour aller s’incliner sur les tombes de sa mère et de ses grands-parents maternels dans le delta du Mékong, Pham Xuân Ân s’est aussitôt retourné vers l’assistance en s’exclamant, sur un ton doctoral : « C’est un fils pieux ! » Une approbation sans réserve.
    À côté de l’entrée de l’hôtel, donnant sur le flanc du théâtre municipal reconverti en Assemblée nationale, Philippe a baptisé Dolce Vita  – « de l’humour noir », dit-il – un restaurant-galerie où nous déjeunons assez souvent. De jeunes peintres vietnamiens, dont certains se distingueront plus tard, y font leurs premiers pas. La Dolce Vita occupe les locaux de l’ancien Perroquet où la bonne société coloniale se réunissait autrefois, à l’occasion des bals du samedi soir. M me Galaup, fleuriste dans la rue Catinat au début des années 1970, se souvient de cette époque. « Les femmes étaient en robe longue ; on s’habillait beaucoup. Il y avait thé les jeudi et dimanche après-midi. Le samedi, on montait un plancher devant l’hôtel, face au théâtre municipal. On dansait. C’était très gai, très sélect. En 1929, pour le réveillon de Noël, on avait fait venir une troupe tahitienne de premier ordre, me raconte-t-elle. Les Vietnamiens n’étaient pas admis mais, que voulez-vous, c’étaient les temps ! »
    De l’autre côté du hall d’entrée, la grande terrasse du bar de l’hôtel est ouverte sur la rue Catinat – la rue Dông Khoi (Insurrection générale) depuis la victoire communiste de 1975. Cette terrasse est le lien irremplaçable entre la rue et le palace. Dès 1922, l’écrivain Philippe de Tessan parle de « la Canebière de l’endroit » et de son pendant, « le Continental Palace où se retrouvent les flâneurs aux heures de repos ». Dans ses Antimémoires, André Malraux évoque « l’ennui de la Cochinchine, les casques coloniaux, l’heure verte à la terrasse du Continental quand le bref soir tombait sur les caroubiers, sur les victorias qui se croisaient rue Catinat dans le bruit de leurs grelots et l’extinction des feux dans les casernes des tirailleurs sénégalais ».
    En 1931, soit deux ans après la débâcle financière mondiale, Mathieu Franchini, le père de Philippe, rachète l’hôtel pour une bouchée de pain. On dira plus tard de lui qu’il était un aventurier et le chef d’une mafia corse. Son histoire paraît beaucoup plus banale. Parent pauvre d’une famille corse, il est pion dans un lycée de Marseille quand un oncle, surveillant général au lycée Chasseloup-Laubat de Sài Gòn, l’invite à venir tenter sa chance à la colonie. Il s’embarque sur un bateau, s’emploie dans plusieurs sociétés françaises de Sài Gòn, vend une Buick à un mandarin de My Tho et en épouse la fille. Pendant la première guerre d’Indochine, la française, il fait du Continental le centre de la vie sociale saigonnaise.
    À sa façon, dans L’Humiliation, Lucien Bodard raconte que, dans ces années 1950, « l’apéritif se prend obligatoirement sur la terrasse du Continental, à même le trottoir de la rue Catinat. Toute l’Indochine étrange et bigarrée de cette époque, généralement séparée en des milieux strictement distincts, y est confondue. Il y a là le monde militaire de la mitraillette et le monde militaire de la serviette d’état-major ; il y a tous les mondes de la piastre ; il y a toutes les « moustaches » et aussi messieurs les fonctionnaires. Chaque jour de la guerre se déverse là, avec ses secrets, ses tueries, ses scandales étouffés, ses spéculations, ses plans d’opérations, avec ses histoires extraordinaires, ses contes héroïques et ses sordides propos d’avancements
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