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Un garçon de France

Un garçon de France

Titel: Un garçon de France
Autoren: Pascal Sevran
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Quelque chose pourtant m’interdisait d’y croire.
    J’avais eu quinze ans dans un département de France, que je venais de quitter le matin même, mais je n’étais pas là pour m’amuser. Je buvais un jus de fruit dans l’indifférence générale.
    Il serait bientôt l’heure de retourner au bureau ; les secrétaires et les vendeuses du quartier avaient d’autres soucis que moi. Une arroseuse municipale éclaboussa quelques robes aux couleurs claires. Un spectacle parfaitement de saison, qui devait retenir mon attention plusieurs minutes. Une dame, plutôt bien de sa personne, me demanda la permission d’utiliser la chaise sur laquelle j’avais placé mon sac de sport.
    Je la lui donnais avec empressement. Elle me remercia et s’installa à ma table pour se plonger aussitôt dans la lecture d’un dossier chargé de formulaires et de pièces administratives, que l’on trouve d’habitude sur le bureau d’un avocat ou d’un notaire. Elle mit ses lunettes pour s’intéresser de plus en plus à un fascicule intitulé : « Règlement intérieur des prisons. »
    Pour quoi ? Pour qui se privait-elle d’un bel après-midi d’été ?
    Nous étions à deux pas de la Santé et je pouvais imaginer mille réponses passionnantes à cette question.
    On ne sait finalement jamais à côté de qui on consomme des boissons fraîches !
    J’ai hésité longuement avant d’oser déranger cette dame qui releva à peine la tête pour tremper ses lèvres dans le verre qu’un garçon pressé venait de déposer devant elle. L’humeur des gens est si imprévisible que j’évite le plus souvent de me faire remarquer.
    Il fallait pourtant, ce jour-là, que je me présente à quelqu’un. La dame tombait bien.
    J’ai attendu qu’elle se redresse et pose enfin un regard sur moi pour lui décliner mon identité. Elle parut étonnée que je lui adresse la parole sans raison valable.
    J’avais épelé mon nom comme devant une maîtresse d’école ou un commissaire de police. Elle ne m’en demandait pas tant.
    Elle me fit part, néanmoins, de son enchantement et s’excusa de devoir partir précipitamment.
    — Raison d’État. Je ne peux pas vous en dire plus, vous comprenez ?
    — Oui ! fis-je l’air entendu.
    Elle s’éloigna, lourde d’un secret que j’aurais aimé partager et j’ai pensé que Paris me réserverait d’autres surprises.
    Je voulais d’abord me rapprocher de la mairie du XII e  arrondissement, une idée fixe que j’entretenais depuis mon enfance et qui me rassurait.
    Une employée aux écritures se souvenait peut-être du matin d’octobre où elle prit bonne note de ma naissance ? Avec un peu de chance, un détail l’aura frappée et nous bavarderons, elle et moi, du temps qui passe et de son beau métier.
    — Pensez, me dira-t-elle, j’ai enregistré 52 525 enfants en dix-huit ans, dont 31 222 garçons. Eh oui, je tiens mes comptes à jour ! On me déclare des vies et c’est, chaque fois, une heureuse nouvelle pour moi. Je suis un peu trop sentimentale mais, que voulez-vous, on ne se refait pas !
    D’un geste sec et précis, le garçon de café fit claquer la petite soucoupe de plastique noir sur laquelle j’avais posé un billet ; il remua la monnaie qui gonflait la poche de sa veste blanche et sans me regarder ramassa les verres vides.
    Je comprends bien qu’il n’avait aucune raison de s’attarder à ma table, mais je me serais contenté d’un signe ou d’un échange de banalités. Découvrant ma valise, il aurait pu s’exclamer :
    — Déjà en vacances ?
    Je lui aurais demandé comment me rendre à la mairie du XII e  arrondissement et il se serait étonné que je ne choisisse pas, de préférence, l’Arc de triomphe ou le musée du Louvre, l’itinéraire obligé des vacanciers.
    Il fallait que je cède la place, un couple attendait mon départ. Je n’avais d’ailleurs plus rien à faire ici.
    Un chauffeur de taxi accepta de me conduire là où tout avait commencé.
    — Ce n’est pas la porte à côté, me dit-il en branchant son compteur.
    Il avait deviné que je n’étais pas de la région et, pour être aimable, il commenta avec précision ma première traversée de Paris. C’est lui qui me fit remarquer le lion de Belfort, alors que nous quittions cette place Denfert-Rochereau où je n’aurais plus l’occasion de revenir.
    La mairie du XII e  arrondissement est un bâtiment public plus imposant que je ne l’imaginais. Son architecture
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