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Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Titel: Troisième chronique du règne de Nicolas Ier
Autoren: Patrick Rambaud
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William
Morris, poète puis conférencier social, s’indignait de la morgue des
aristocrates de la Finance. Il dénonçait leur cupidité : la civilisation
se réduisait à amasser des marchandises inutiles que nous achetions pour les
enrichir, en nous éloignant des simples besoins naturels. La baisse de la
qualité était alors due à cette notion de quantité que Notre Prince vénérait. À
Londres, Morris se demandait comme nous : où trouver du bon pain qui
croustille ? un couteau qui coupe ? pourquoi nos logements sont-ils à
ce point hideux et indignes d’être habités ? À quoi bon toute cette
camelote ? Il n’y avait rien à mesure d’homme puisque tout servait à
multiplier l’argent pour les uns et la misère pour les autres.
    Face à l’angoisse collective qu’il ne pouvait ignorer parce
que ses Conseillers lisaient les échotiers et croisaient parfois des quidams
dans les rues, Notre Attentif Monarque prit des mesures fortes. D’abord, il ne
portait plus en public ses Ray Ban qui lui donnaient une dégaine de caïd
sicilien, et lorsqu’il se montrait au soleil il plissait les yeux comme un
chimpanzé dont il avait adopté les grimaces. Ensuite il manifesta son courroux
quand il vit dans des magazines ses ministres figurer en tenue de soirée :
« En ce moment, les Français se serrent la ceinture, c’est pas la peine qu’ils
vous voient parader et jouer les milords ! »
    Cependant le budget du Château enflait à cause des voyages
impériaux, des frais de réception et du personnel qui coûtait autant que celui
d’une ville de cent mille habitants. Sa Majesté ne faisait de réelles économies
que sur les fleurs et le vin. Allons ! pour côtoyer les plus grands de ce
monde, le Prince n’allait pas s’enfermer dans un cabanon. Sa vitalité était
entière et la Crise, derrière laquelle il s’abritait, le dopait. Les faillites
qui se multipliaient ? La Crise. L’endettement de l’État ? La Crise.
Le pouvoir d’achat qui dégringolait ? La Crise. Le chômage en augmentation
permanente ? La Crise ! Et les grandes compagnies profitaient de ce
même prétexte pour jeter à la porte des dizaines de milliers d’ouvriers et d’employés.
    Le peuple n’était même pas déçu ni révolté, il ne croyait
plus aux résultats promis. Cela s’installait, cela risquait de s’éterniser, il
fallait se débrouiller avec. La politique ? On s’abstenait d’y toucher, on
ne votait plus guère, et pour qui ? On ne comptait plus que sur soi, la
société s’atomisait, même plus en tribus mais en individus. On semblait
retourner vers les années soixante-dix du siècle dernier, quand à La Courneuve,
cité déjà désolante, une jeune fille rebelle constatait que « les
organisations politiques traditionnelles n’ont aucun rapport avec le
bonheur ».
    Vers l’automne il y eut une lueur, elle venait d’Amérique.
Ce fut l’avènement de M. Obama, qui, d’un coup, rapetissa Notre Prince.
     
    La nouvelle courut la planète d’une manière
fulgurante ; ce fut un soulagement et un espoir lorsqu’on proclama élu, à
la tête de l’Empire américain, celui qui représentait l’exact contraire de
Johnny Walker Bush dont les huit ans de règne avaient été calamiteux et
guerriers, brisant l’image de son pays et développant contre lui un terrorisme
acharné. M. Obama fut salué et les foules étaient euphoriques à Caracas
comme à Gaza, Beyrouth, Londres, Téhéran, Paris, Berlin, Mexico, Le Caire,
Kaboul, Casablanca, même à Wall Street, même chez les vachers floués de l’Indiana.
M. Obama avait un don, un charme, une voix, une allure. Avec la plus fine
valeur et la plus tranquille, ses vues étaient vastes, ses projets
concertés ; il avait une facilité extrême à mener des troupes, l’art de
prendre ses sûretés partout. Jamais, avec lui, d’ordres confus, de marches inutiles,
mais la justesse du coup d’œil, un sourire et une démarche car il bougeait
comme un danseur de Broadway. Avec cela des vertus que Johnny Walker Bush ne
possédait point, l’humour, le calme et la fermeté.
    Ce fut le premier Noir à emporter cette Maison Blanche qui
fut bâtie par des esclaves à l’époque de M. Jefferson, le père de la
Constitution ; le peuple d’Harlem le savait, qui avait de la fierté et de
la peur. « Je prie pour qu’on ne l’assassine pas ! » disait une
vieille dame. « Avant, confiait un autre, nous entrions dans les Palais
avec une
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