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Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Titel: Troisième chronique du règne de Nicolas Ier
Autoren: Patrick Rambaud
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tocards que nous
n’osons même pas nommer. Le second appelait le premier mon copain , mais
celui-ci ne le reçut point quand il vint à Washington en novembre avec Madame.
Alors Sa Majesté se mit à fredonner le grand air de la jalousie.

Chapitre II
     
    APPUI INESPÉRÉ DE L’ARCHIDUCHESSE
DES CHARENTES. – SES RIDICULES ET SES ARDEURS. – COMMENT ELLE
APPARAÎT EN SŒUR JUMELLE DE SA MAJESTÉ. – ÉLOGE DE LA DÉMOCRATIE
TOTALITAIRE. – MUSELAGE DES GAZETTES. – ARRESTATION DU COMTE
FILIPPIS. – LES MONSTRES UTILES DE TARNAC. – LA TERRIBLE HISTOIRE DU
CHEVALIER DRAY.
     
     
      T ANDIS QUE N OTRE D ÉSOPILANT L EADER pestait contre l’intrus américain
qui le méprisait, le Parti social l’aidait en se taisant à tenir ferme sur son
trône. Par définition principaux adversaires du Parti impérial, les sociaux n’ouvraient
plus la bouche que pour respirer et non pour dire, car aucune parole mémorable
n’en sortait, à la façon d’un merlan rejeté sur le sable et qui, promis à une
lente et douloureuse asphyxie, boit de l’air en remuant la mâchoire sans
émettre un son. Les généraux semblaient aussi nombreux que leurs troupes depuis
que les gens de peine et les ouvriers avaient été gommés, lesquels autrefois en
figuraient les bataillons et cela malgré les alarmes répétées d’un podestat du
Nord, M. Mauroy, qui avait naguère tenu la barre. Voici qu’au moment de
désigner celle ou celui qui, par un choix des militants, allait diriger le
Parti social contre Notre Prince, ne restèrent en lice que deux matrones, la
bourgmestre de Lille, Mme d’Aubry, sévère sous sa frange mais avec une
réputation, et Ségolène, archiduchesse des Charentes, que les échotiers
montaient en favorite depuis qu’à l’élection impériale elle avait été terrassée
par Notre Phosphorescente Majesté et en tira gloire dès le soir de la raclée,
comme éveillée par cette concurrence, saluant la foule des déçus en promettant
d’autres victoires, car le mot de défaite n’était point dans son vocabulaire.
    L’archiduchesse des Charentes était une personne tout
occupée de sa grandeur, de ses chimères, toute composée, tout embarrassée,
embuée par elle-même, avec un esprit peu souple, une dévotion affichée pleine d’extérieurs
et de façons ; en deux mots rien d’aimable, rien de sociable, rien de
naturel ; grande, droite, un air qui voulait imposer et néanmoins être
doux, mais austère et tirant fort sur l’aigre-doux. Personne ne s’en
accommodait, elle ne s’accommodait de rien ni de personne. Quand elle manqua le
trône, elle avala cet amer calice sans faire semblant de rien, puis les succès
de ses artifices lui donnèrent la confiance de les continuer, aussi
monta-t-elle à l’assaut de ce Parti dont elle payait la carte mais qu’elle
fréquentait mal. Cette couronne lui tournait la tête. Elle avait un esprit
fertile en intrigues sourdes, une ambition démesurée, la permanente envie de se
faire attendre qui la faisait toujours venir en retard ; rien ne la pût
retenir, et sous un extérieur de madone, méchante au dernier point.
    Il lui fallut d’abord contrôler son aspect et ne livrer aux
gazettes que des images choisies par ses proches et faites pour elle, où elle
fût en valeur et en lumière, puis répandues gratuitement à la manière des
réclames. Elle savait mélanger le personnel et le public ; tantôt la voici
en maillot sur une plage ensoleillée, tantôt dans l’émirat du Qatar quand elle
y tint une conférence essentielle sur les microcrédits financés par les
Charentes dans le secteur du chabichou. Elle délaissait les réunions graves,
préférait citer M. Woody Allen, s’entoura de rockers pour un spectacle qu’elle
offrit sur une scène de Paris, en tunique indienne bleue, les cheveux lâchés en
vaguelettes pour prêcher la fraternité comme dans un temple de Boston, avant d’entonner Le Chiffon rouge , ce vieux chant des prolétaires du Pas-de-Calais. À ceux
qui la plaisantaient ou s’indignaient de sa façon d’être politique, un ancien
agent d’actrices, devenu son imprésario, ce comte Besnehard si poupin et si
zozotant qui joua autrefois le rôle de Louis  XVI dans un feuilleton, répondait que la fête donnait mieux de lustre aux idées qu’un
discours annoncé : « Je trouve bien plus choquant de voir le couple
impérial faire du shopping dans les rues de New York en pleine crise. » Si
les courtisans la
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