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Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Titel: Troisième chronique du règne de Nicolas Ier
Autoren: Patrick Rambaud
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sauver : il avait des Ouïgours à
réprimer. Madame fut du voyage à L’Aquila mais visita seule les rues défoncées,
et, pour redorer son image auprès des Italiens, distribua l’argent des Français
pour retaper un clocher branlant, avant de revenir plastronner dans les jardins
du Château à l’occasion de la fête nationale. Sa mère, Mamma Marisa, s’y fit
remarquer en portant un bibi en forme de galette mauve que décorait sur le devant
une sorte d’épluchure de concombre. Dans le salon Pompadour, Madame confia à un
échotier, pour que cela fût répété : « Avec Chouchou on se calme
mutuellement. Le bonheur est quelque chose qui apaise. »
    Hélas, Notre Apaisé Souverain espérait devenir aussi mince
et svelte que M. Obama, chaque jour il soulevait des haltères, se
dépêchait d’un pays à l’autre, ne se nourrissait plus que de fromage blanc et
de framboises. Surtout, il courait. Où qu’il fût, il enfilait son short et
partait en petite foulée malgré le chaud ou le froid, malgré le vent, la pluie,
la fournaise. Il courait. Le dimanche 26 juillet, des promeneurs du parc
de Versailles se firent doubler par Sa Majesté mais ne le reconnurent
point ; Notre Prince avait l’affreux rictus du coureur, les joues creuses,
le teint cramoisi d’une langouste cuite et le souffle court. Quelques mètres
plus loin il s’écroula. Des secours arrivèrent aussitôt de la Lanterne, où
résidaient naguère les Premiers ministres mais que Notre Monarque avait
annexée. Peu après, un hélicoptère rouge l’emmena à l’hôpital du Val-de-Grâce
tandis que Madame arrivait sur la moto d’un policier, et qu’un autre
hélicoptère l’emmenait à son tour. Comme il y avait eu des témoins, on ne put
au Château cacher ce malaise ; le Cardinal, au début de cette journée,
lança un communiqué rassurant depuis son bureau. D’autres bulletins de santé
furent donnés dans la journée par les services du Château mais jamais par les
médecins qui soignaient Notre Surempereur redevenu ordinaire. Courir sous le
soleil et le ventre vide, après cinquante ans, voilà qui était bécasson, mais
puisque Sa Majesté ressemblait d’un coup à tous les gens de son âge et qu’il
allait bientôt être grand-père, sa popularité gagna quelques points. Les
médecins conseillant du repos, Notre Prince Souffrant dut se résigner à bronzer
dans la villa de sa belle-mère, au cap Nègre, et il remplaça la course à pied
par deux baignades quotidiennes que les gazettes nous montrèrent. On voyait le
Souverain en Tarzan, qui rentrait son ventre et sortait ses pectoraux ;
Madame prenait la pose sur une pierre plate, avec un chapeau à large bord, des
lunettes noires et des palmes…
    Que pensiez-vous, Sire, sur votre chaise longue ? À la
rentrée d’automne, au fracassant procès dont vous menaciez le duc de Villepin
qui vous faisait trop d’ombre avec sa prestance et son bagou, ah oui, vous y
pensiez sans cesse, vous espériez le pendre à un croc, et cela vous tournait
les sangs. Vous pensiez aussi établir votre dynastie sans deviner les tracas
que vous alliez subir, les revers, les lazzi, les colères et le mépris.
Ah ! Sire, pourquoi n’abdiquez vous pas, comme Dioclétien, comme Charles
Quint, avant que des manants ne vous jettent leurs chaussures, un lancement que
votre ami Johnny Walker Bush esquiva à Bagdad peu avant son retrait de la
politique. À moins que vous ne vouliez faire la fortune d’un chausseur comme ce
fut le cas de Ramazan Baydan, lequel vendit trois cent soixante-dix mille
paires de sa Ducati 271 qui faillit atteindre Johnny Walker en pleine
figure.
     
     
     
    (à suivre)

DU MÊME AUTEUR
     
     
    LA SAIGNÉE , Belfond, 1970.
    COMME DES RATS , Grasset, 1980 et 2002.
    FRIC-FRAC , Grasset, 1984.
    LA MORT D’UN MINISTRE , Grasset, 1985.
    COMMENT SE TUER SANS EN AVOIR L’AIR , La Table
Ronde, 1987.
    VIRGINIE Q ., parodie de Marguerite Duras,
Balland, 1988. (Prix de l’Insolent.)
    BERNARD PIVOT REÇOIT …, Balland, 1989 ; Grasset, 2001.
    LE DERNIER VOYAGE DE SAN MARCO , Balland, 1990.
    UBU PRÉSIDENT OU L’IMPOSTEUR , Bourin, 1990.
    LES MIROBOLANTES AVENTURES DE FREGOLI , Bourin,
1991.
    MURUROA MON AMOUR , parodie de Marguerite Duras,
Lattès, 1996.
    LE GROS SECRET , Calmann-Lévy, 1996.
    LES AVENTURES DE MAI , Grasset/Le Monde,
1998.
    LA BATAILLE , Grasset, 1997. (Grand Prix du
roman de l’Académie française, Prix Goncourt et Literary Award 2000 de la
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