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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable
Autoren: Michel de Decker
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Saint-Michel), le baron Haussmann est venu bouleverser toute la topographie de ces lieux où, pendant près de neuf années, Charles Maurice allait faire de correctes études.
    Mais sans plus.
    Neuf ans durant lesquels, quoi qu’il ait pu en dire, il ne fut pas maudit des dieux. N’avait-il pas, par exemple, une chambre en ville, un précepteur particulier – l’abbé Hardi –, et ne dînait-il pas une fois par semaine chez ses parents, rue Garancière ?
    Certes, à l’occasion de ces repas un peu compassés, son père ne lui adressait jamais la parole si ce n’était à l’instant de quitter la table et pour lui seriner cet éternel refrain :
    — Soyez sage, mon fils et contentez toujours monsieur l’abbé Hardi.
    Il aurait aussi aimé trouver un peu plus de tendresse maternelle chez la femme qui fut la première femme de sa vie et qu’il admirait secrètement.
    Il est vrai qu’elle était un bonheur pour les yeux, si l’on en croit certain portrait visible aujourd’hui au château de Valençay.
    — Et elle ne manquait pas d’esprit, ajoute Talleyrand. Personne ne m’a jamais paru avoir dans la conversation un charme comparable au sien... Elle ne parlait que par nuances ; jamais elle n’a dit un bon mot ; c’était quelque chose de trop exprimé. Les bons mots se retiennent, et elle ne voulait que perdre ce qu’elle disait.
    Les bons mots se retiennent !
    Charles Maurice en sera plus que convaincu et, contrairement à sa mère, il fera toujours en sorte que l’on n’oublie jamais les siens.
    Il est encore tout petit abbé, d’ailleurs, quand il commence de se tailler sa réputation d’homme d’esprit. Un soir, par exemple, dans un dîner où il ne connaît personne, comme au moment de passer à table on lui présente une invitée, il marmotte simplement un : « Ah ! ah ! » Durant le repas, il continue de ne dire mot, mais à l’heure venue d’avaler un cordial, alors que la dame s’approche de lui et lui demande pourquoi, en la voyant, il a lancé : « Ah ! ah ! », prenant un air malicieux, voire impertinent, il lui répond simplement :
    — Je n’ai pas fait : « Ah ! ah ! », madame, j’ai dit : « Oh ! oh ! »
    Et il semble qu’il n’en fallut pas plus pour qu’il fût dès lors considéré comme un grand spirituel.
    On n’était donc pas très exigeant au XVIII e siècle ?
    Que si ! On l’était tout autant et peut-être même davantage qu’au XXI e , car il est bien évident que ce n’est pas avec un simple « Ah ! oh ! » que Charles Maurice est parvenu à faire sa place dans l’intelligentsia du temps.
    Après son internat au Collegium Harcurianum, un établissement qui, à l’origine (c’est-à-dire en 1280 !) avait été créé par Robert d’Harcourt, fameux archidiacre de Rouen et de Coutances, chancelier de l’église de Bayeux et chantre de la cathédrale d’Évreux, pour que quarante-huit pauvres « escholiers » de Normandie pussent y découvrir les arts et la philosophie, le Périgourdin Charles Maurice sera prié d’aller effectuer un stage d’un an chez un oncle paternel qui était coadjuteur de l’archevêque de Reims.
    Pendant un an il s’ennuya à mourir.
    — Le grand luxe, les égards, les jouissances mêmes qui entouraient l’archevêque et son coadjuteur ne me touchèrent point. Une vie toute de formes m’était insupportable, confie-t-il.
    — Mais avec votre infirmité il n’y a d’autre avenir pour vous que dans l’état ecclésiastique ! lui répétaient les deux prélats. D’ailleurs vous n’avez pas le choix puisque vos parents exigent que vous soyez d’abord prêtre pour qu’ensuite vous deveniez évêque et peut-être même cardinal !
    Et pourquoi pas pape ?
    Mais que l’on imagine le Diable boiteux seulement en successeur de saint Pierre ! Lui qui, après trois années passées rue du Vieux-Colombier au grand séminaire de Saint-Sulpice, ne savait même pas dire la messe !
    Ou si mal.
    Car au retour de Reims il dut immédiatement se glisser au fond d’une soutane. Autant dire, à ses yeux, une camisole de force.
    Avoir seize ans et être enfermé dans un établissement qui ressemblait à une prison !
    — Vous êtes ici pour vous vider l’esprit et le remplir de celui de Jésus-Christ, lui avait-on annoncé d’entrée. Dorénavant et pour cinq années vous serez séparé du monde. Lever à cinq heures tous les matins ! Vos journées seront partagées entre l’étude, la
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