Serge Fiori : s'enlever du chemin

mots étirées… mais est parfaitement incapable, malgré tous ses efforts, de le reproduire, ce qui amuse beaucoup Hélène.
    À l’époque d’Harmonium, chaque fois qu’il l’a pu, c’est
au Saguenay-Lac-Saint-Jean que Serge a expérimenté ses
nouvelles chansons   ; quand l’une d’entre elles était bien
accueillie là-bas, elle l’était partout dans le monde   !
    Avec sa sensibilité artistique, ses idées indépendantistes
ainsi que ses origines jeannoises, Hélène incarne donc le
public cible tout indiqué pour Fiori lorsque vient le moment de mesurer le potentiel d’une chanson   : il la lui chante et la réaction de son amie décide du sort de l’œuvre…

    Le projet de nouvel album se concrétise tranquillement.
Pendant quelque temps, Serge renoue avec ses vieux démons   : il a peur, éprouve de l’angoisse et pense même annuler le contrat… mais en compagnie d’Hélène et devant
son public, en représentation virtuelle constante, il compose, sous forme de pensées et d’aphorismes, des textes
qui lui ressemblent. Lorsqu’il se laisse porter, tout devient facile. Jusqu’au mois de janvier 2012, il passera son
temps à raffiner son nouveau langage et à entretenir des
liens avec ses nouveaux amis virtuels. Un matin qu’il repense à l’idée de publier un recueil de ses pensées du jour,
tout devient subitement limpide   : «   Je suis donc ben cave   !
Ça me ressemble pas d’écrire un recueil de textes, pourquoi
je ne prendrais pas mes phrases de Facebook pour écrire
des chansons   ?   » Il fait part de ce changement d’orientation
à Hélène qui l’encourage à explorer la voie de la création
pure.
    Des paroles de chansons commencent à émerger   : il
laisse surgir en lui les mots, les sons, et tout à coup l’inspiration devient si forte qu’il saisit sa douze cordes   : à partir
de dix heures du matin, il compose frénétiquement et tout
se met en place.
    Depuis près de quatre ans, Serge Fiori faisait une pause.
Il avait, croyait-il, pris sa retraite du monde musical   ; mais
quand on est artiste et créateur, peut-on vraiment prétendre prendre un jour sa retraite   ?
    En onze jours, Serge Fiori compose douze chansons.
L’inspiration est tellement envahissante qu’il manque de
temps, les mots se bousculent en lui et le confondent. La
guitare vole et virevolte toute seule, les termes se placent et
s’alignent, le message, vibrant, exsude de tous ses pores. À
travers les chansons qu’il fait naître, qu’elles soient politiques, sociales ou amoureuses, c’est tout ce que porte Fiori
en 2012, tout ce qui l’habite, qui s’exprime sur un mode
poétique et visionnaire. Les réponses à ses questionnements, il les trouve dans les chansons qui surgissent en lui,
qui lui offrent le portait tout en nuances de ce qu’il est devenu aujourd’hui. Et lorsqu’il entend les mélodies que sa
guitare lui a dictées, il imagine les partitions qui seront celles de son ami Normand Corbeil   : c’est qu’il n’a pas oublié
son dernier collaborateur, son complice. Il rêve de réaliser
un album en sa compagnie. À chaque pièce qu’il crée, il y
a une place pour Normand, pour son clavier. Serge ignore
encore que celui-ci est malade, et il espère que la vie leur
permettra de se réunir encore une fois. Malgré son état
précaire, Normand, flatté de l’intérêt de Fiori, prête une
oreille attentive à ses désirs et à ses besoins. «   Les choses
ne sont pas toujours simples avec Serge. Il a son rythme,
et sa manière de voir les choses. Alors, je verrai lorsque le
projet sera plus concret. Je suis même prêt à ne toucher
que les profits de l’album, s’il y en a, et à ne prendre aucun
cachet pour ma participation, tellement je crois en Serge
et que je veux le soutenir dans son besoin de gagner sa vie.
Je suis prêt à écouter ses besoins, et je ne sais pas pourquoi
je fais ça. Tout simplement, peut-être, parce que je l’aime.
Je suis attaché à lui, voilà tout.   » Hélas, l’état de santé de
Normand ne lui a pas permis de donner suite à ce beau
projet ni à ces belles pensées, et nous sommes en droit, au
même titre que Serge Fiori, de le regretter amèrement.
    La première chanson de l’album de Fiori est dédiée à son
père, Georges. Serge y relate les derniers jours de l’homme,
un moment qui l’a marqué pour toujours. L’année précédente, à l’anniversaire de sa mort, le musicien avait