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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine
Autoren: Maurice Denuzière
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sens, y compris les plus inattendus, le célibataire dilettante aisé, qui prend le temps de vivre et que l’on devine ouvert à toutes les suggestions. C’est dans cette dernière catégorie que les gondoliers rangèrent, d’office, Axel Métaz. Le carrick qu’il avait revêtu, souvenir des largesses passées de lord Moore, et l’air distant qui lui était naturel firent classer le Vaudois comme Anglais, nationalité très prisée à Venise.
     
    De ceux qui l’approchèrent en proposant de le conduire à l’hôtel, Axel allait retenir le plus âgé, peut-être parce qu’il lui trouvait une vague ressemblance avec le père Blanchod, quand le Vénitien à l’odorat subtil lui offrit de le transporter jusqu’à son hôtel.
     
    – Ma barque est à votre disposition, monsieur, consentez que je vous conduise à Venise, proposa-t-il en désignant une gondole pourvue de lanternes d’argent.
     
    Axel, qui, pour la première fois depuis longtemps, jouissait de la sensation d’être libre et apaisé, eut envie de décliner poliment l’offre. Mais il voyageait de jour et de nuit depuis une semaine et ne se sentait guère à l’aise dans des vêtements fripés. Il n’aspirait qu’à faire au plus tôt une toilette complète avant de se glisser dans un lit pour oublier le trot des chevaux. Si la première partie du voyage, de Lausanne à Milan, et le franchissement des Alpes par la belle route du Simplon, conçue par Napoléon et construite par l’ingénieur Nicolas Céard, n’avait pris que quatre-vingt-quatre heures, dans une diligence de la société Allard, solide, bien suspendue et confortable, le trajet de Milan à Fusina, que les initiés appelaient la Chafousina, lui laissait un détestable souvenir. Le manque de ponctualité des maîtres de poste, Piémontais ou Lombards, les ruptures d’attelage, les bris de roue, la désinvolture des conducteurs et la grossièreté des postillons auraient rendu casanier le plus impénitent voyageur. Aussi accepta-t-il, après une hésitation, l’offre de l’Italien. D’un claquement de doigts et d’un geste, l’homme ordonna à ses bateliers de charger les bagages du Vaudois sur sa gondole. C’est alors qu’un officier autrichien, flanqué d’un carabinier vénitien, vint contrôler le passeport d’Axel.
     
    Ce dernier savait qu’en 1815, lors du congrès de Vienne, les hauts prébendiers des princes et des monarques, destructeurs du grand rêve napoléonien, avaient livré, entre deux valses et deux dîners, la Lombardie et la Vénétie aux Habsbourg, rendu la Sardaigne et le Piémont au duc de Savoie, donné la Finlande et la Pologne au tsar, Aix-la-Chapelle et le tombeau de Charlemagne à la Prusse. Aussi le jeune homme ne fut-il pas étonné de se voir demander ses papiers, comme dix fois depuis qu’il était entré en Italie, par un officier portant l’uniforme blanc et le shako orné de l’aigle à deux têtes des Habsbourg.
     
    Pendant que le militaire examinait les documents, le cicérone d’Axel marqua quelque impatience.
     
    –  Ecco 5   ! Quand serons-nous débarrassés de ces lourdauds ? Ils voient partout des espions, nous accablent d’impôts et brident notre commerce, souffla-t-il avec humeur.
     
    Les formalités accomplies, le Vénitien invita Axel à descendre du quai dans la gondole. Il tendit la main au jeune homme, surpris par le balancement souple du bateau, et l’aida à s’installer commodément. Bien calé sur la banquette de cuir aux accoudoirs capitonnés, Axel caressa les chevaux marins de bronze doré plantés dans les plats-bords : de leur mors disproportionné partait un gros cordon torsadé de velours cramoisi qui donnait au bateau un air de carrosse flottant. Se penchant légèrement, il trempa la main dans l’eau et se mouilla le front. Ce geste suscita un sourire sur les lèvres de son hôte.
     
    – Je vois que vous connaissez les usages, monsieur. Venise vous en sera reconnaissante. Où dois-je vous conduire ?
     
    – Ma chambre est réservée à l’hôtel de l’Europe 6 , sur le Grand Canal, près de la piazzetta San Marco, à ce qu’on m’a dit.
     
    – Excellent hôtel. C’est l’ancien palais gothique des Giustiniani. Il date du xv e  siècle. Ce sont leurs héritiers, les banquiers Levi, qui l’ont sauvé de la ruine et transformé en hôtel. C’est là que descendent M. de Chateaubriand et tous les artistes qui viennent jouer ou chanter au théâtre de la Fenice. Vous auriez
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