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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine
Autoren: Maurice Denuzière
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quelques heures plus tôt.
     
    – Berto sera toujours au service de Sa Seigneurie quand elle aura besoin d’une gondole.
     
    – Merci. Mais comment vous trouver dans cette ville ?
     
    – Au premier gondolier qui passe, vous criez simplement : « Envoie-moi Berto à tel endroit à telle heure. » C’est ainsi que les choses se font à Venise, monseigneur !
     

    Pendant une semaine, Axel Métaz visita avec méthode tous les quartiers de Venise, tantôt en bateau avec Roberto, tantôt seul, à pied. Cette cité à l’ancre, comme un navire las de naviguer et déjà en voie de décomposition, possédait en plus de ses canaux un réseau de ruelles dallées, coursives étroites et sinueuses, et autant de petits ponts que l’année compte de jours. À escalader pendant des heures ces arches-escaliers, il se brisa les reins et, au bout de quelques jours, trouva tout naturellement le rythme à petit pas de la démarche vénitienne. Il admira l’enflure orientale des cinq coupoles verdâtres de Saint-Marc, ses mosaïques du xi e  siècle, son retable en or massif, incrusté de mille perles et trois cents saphirs. Il fit le tour des sarcophages des doges, et le gardien du Trésor, le prenant pour un Français, tenta de l’humilier en racontant que bon nombre des belles pièces d’orfèvrerie byzantine avaient été volées et fondues par les soudards de Bonaparte en 1797 !
     
    Pour le protestant, cette débauche de marbres multicolores, statues de porphyre, or, argent, pierreries, fresques, mosaïques, peintures, lustres, reliques se révéla vite écœurante. La basilique, une des plus fameuses de la chrétienté, apparut au jeune homme, habitué au dépouillement des temples vaudois, à la fois musée et théâtre. Il la vit comme une énorme châsse remplie d’œuvres d’art où il ne parvint pas à imaginer la présence divine ni à se recueillir. Et puis, étaient-ce bien les ossements de saint Marc qu’un trafiquant d’armes de Torcello avait rapportés, cachés sous des jambons, d’Alexandrie à Venise en 828 ? Certains exégètes érudits n’insinuaient-ils pas, loin de Venise certes, que l’évangéliste Marc, Juif de Jérusalem, était mort à Rome après avoir rédigé son évangile sous la dictée de Pierre et non martyrisé par des inconnus en Égypte ! Il eût paru sacrilège de douter de l’identité des restes enchâssés sous le maître-autel devant lequel se prosternaient, depuis 832, tous les visiteurs de la basilique ! Comme eût été indécente la préférence avouée du jeune Métaz pour l’antique mosaïque représentant Salomé, liane lascive, moulée dans un fourreau rouge à mouches blanches et manches bordées d’hermine, qui, brandissant le chef barbu de Jean-Baptiste, dansait gaiement… dans le baptistère !
     
    Quittant l’ombre fraîche de l’église, Axel éprouva un bien-être soudain en retrouvant sur la place la tiédeur du soleil d’automne. Des gens allaient et venaient, en devisant, échangeant des saluts, s’interpellant. Souvent, les hommes se donnaient le bras tandis que les femmes, la plupart jolies et élégantes, abandonnaient leur taille à l’enlacement désinvolte de leur compagnon. Des messieurs âgés bavardaient adossés, côté soleil, au soubassement du campanile que coiffait, à cent mètres du sol, une pyramide verte. Axel se demanda pourquoi cette haute tour de brique avait été dressée dans un angle de l’esplanade et non pas au centre, puis il se souvint avoir lu quelque part que Napoléon considérait ce grand espace, dallé et ceinturé d’arcades, comme le plus beau salon du monde. Quand les deux athlètes de bronze juchés sur la tour de l’horloge frappèrent de leur masse de forgeron les douze coups de midi sur une énorme cloche, d’innombrables pigeons quittèrent les toits voisins pour ébaucher autour des coupoles de Saint-Marc un ballet aérien dont on devinait qu’il obéissait à un signal familier plutôt qu’à une soudaine frayeur.
     
    En observant l’unité architecturale des palais collatéraux, nommés Procuratie Vecchie et Procuratie Nuove, Axel choisit de muser à la vénitienne, parmi les flâneurs, entre la basilique et le fond de la place, occupé par ce qu’on appelait l’aile Napoléon. Depuis qu’en 1810 l’empereur avait fait détruire l’église San Geminiano, modeste pendant de Saint-Marc, pour faire construire, en respectant le style et l’alignement des arcades, un palais
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