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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine
Autoren: Maurice Denuzière
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gens plus ou moins bienveillants. Vous avez devant vous le dernier des Malorsi, ruiné et dépourvu de descendance… connue ! L’origine de ma famille remonte à la fondation de la Sérénissime. Nous fûmes, pendant des siècles, riches à millions. Aventuriers à panache, armateurs entreprenants, négociants exotiques, banquiers opulents, mais aussi joueurs, procéduriers et trop sensibles aux charmes des femmes. Nos biens ont fondu dans les guerres et les plaisirs. J’ai donc vendu le palais familial à une dame anglaise qui s’est engagée, devant notaire, à me laisser jusqu’à ma mort la libre disposition… des combles. J’habite les pièces autrefois dévolues à mon majordome et à mes valets ! J’ai mis longtemps à chasser les odeurs ancillaires mais j’y suis parvenu et les quelques meubles et objets que j’ai pu soustraire à l’acheteuse m’ont permis de me fabriquer un refuge à ma façon. En revanche, dans ce palais trop grand pour elle, miss Emily Grafton, dont une parente fut l’amie intime d’Horace Walpole, vieille demoiselle charitable et amie des chats, loue des appartements aux étrangers de qualité et bons payeurs ! Naturellement, elle préfère les Anglais et abhorre les Français. Mais vous êtes suisse et je puis négocier pour vous un arrangement. Je vois déjà au piano nobile 10 deux chambres et un petit salon qui conviendraient à un célibataire qui veut faire son éducation vénitienne.
     

    Le lendemain, Axel Métaz prit ses quartiers Ca’ Malorsi. La porte d’eau du petit palais, agréablement restauré par l’Anglaise, ouvrait sur le rio della Panada. Côté terre ferme, il donnait sur le campo de Santa Maria dei Miracoli, l’église où souhaitaient se marier les jeunes Vénitiennes devant une icône de la Vierge, réputée miraculeuse.
     
    – Elle garantit, dit-on, la fidélité des époux, non celle des épouses, précisa le comte Malorsi avec le petit rire goguenard dont il ponctuait volontiers ses phrases.
     
    Dès lors, commença pour Axel une nouvelle vie. Les lettres de change délivrées par son père ne suffisant pas à assurer ses dépenses, il eut recours, par l’intermédiaire du comte, à un joaillier qui lui proposa, pour un seul des diamants tirés de son trésor équivoque offert par Blaise de Fontsalte, de quoi vivre plusieurs mois. En bon Vaudois, circonspect en affaires et soucieux de recevoir son dû, il s’était préalablement renseigné chez plusieurs bijoutiers pour connaître le prix que pouvait atteindre à la vente une pierre comparable à celle dont il avait choisi de se séparer. Aussi surprit-il Ugo Malorsi par ses exigences et son âpreté au cours de la négociation chez le diamantaire. Prudent, Axel se garda bien de dire, au comte comme à l’orfèvre, qu’il possédait d’autres pierres précieuses. Ayant compris que Malorsi, qui lui avait recommandé le joaillier comme « le plus honnête de Venise et fournisseur des meilleures familles », devait tirer profit de la transaction, Axel tint à prouver à son nouveau mentor qu’on ne dupait pas aisément un Vaudois.
     
    – J’espère que ce commerçant saura récompenser votre intervention, dit-il en souriant, à l’heure du punch au Florian.
     
    Le comte marqua un bref étonnement, puis son regard de souris finaude s’étrécit. Il caressa de l’index son nez pointu et choisit de jouer la franchise avec ce garçon, plus futé qu’il ne paraissait.
     
    – Calculez vous-même, mon ami : il applique la règle du deux pour cent, ce qui n’est pas très généreux mais me permettra de m’offrir un paletot neuf pour l’hiver !
     
    – En somme, répliqua Axel en riant, j’aurais pu obtenir deux pour cent de plus de ce diamant que votre joaillier revendra deux ou trois fois plus cher qu’il ne l’a payé !
     
    L’esprit de lucre n’habitait pas le comte Malorsi. Ce dilettante ne se souciait que de vivre d’un jour à l’autre en profitant des aubaines offertes par le hasard. Il apprécia l’attitude et les propos du jeune Suisse, intelligent et d’une droiture qui ne s’accommodait pas de roublardise. Ce jour-là, Ugo Malorsi invita Axel à monter jusqu’à son appartement, sous les toits du palais de ses ancêtres.
     
    – J’emprunte toujours le grand escalier, dit-il en guidant Axel. Gravissant les degrés de marbre, le jeune homme leva les yeux sur les portraits des Malorsi suspendus au long de l’escalier.
     
    – Aucun
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