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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine
Autoren: Maurice Denuzière
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de son père et avait proclamé, avec une assurance pleine de hargne, qu’elle le suivrait aux États-Unis. Plusieurs invités virent cela comme un rachat du péché maternel, voire comme la possible conversion à la religion réformée d’une enfant élevée selon le rite catholique.
     
    À la suite de la divulgation publique d’une affaire de famille, ce qu’Axel avait trouvé déplacé et même trivial, le pasteur avait cru bon d’inviter les assistants à prier pour ceux qui étaient erroris laqueos , dans les filets de l’erreur ! S’il avait accepté de prendre la suite des affaires de celui qu’il continuait à appeler père, Axel Métaz avait obtenu un délai et un séjour en Italie. Tout le monde ignorait les raisons qui lui avaient fait choisir Venise. Celles-ci étaient intimes et liées à l’unique conversation qu’il avait eue avec le général-marquis Blaise de Fontsalte, amant de sa mère et son père de sang.
     
    Sortant de cette évocation vespérale, Axel ferma la fenêtre et, sans même allumer une chandelle, se mit au lit. La rétrospective, cent fois évoquée, ne le troublait plus. Pour la première fois, il eut le sentiment que ces événements étaient arrivés à un autre, qu’il en avait été le témoin mais non un des acteurs. Peut-être était-ce la magie de Venise qui, déjà, agissait. Ne subsistait qu’un remords : celui de ne pas avoir eu le courage de rendre visite à sa mère avant de partir pour l’Italie. Au bord du sommeil, il se dit encore que, dans cette cité des eaux, peut-être dans un de ces palais, une femme, qu’il se plut à imaginer jeune et belle, avait, comme lui, le regard vairon et qu’ils étaient enfants d’un même père.
     

    Au matin, Axel se sentit un être neuf, dispos et entreprenant. Ayant revêtu un pantalon de nankin et une jaquette bleue, il descendit dans le hall de l’hôtel pour guetter l’arrivée du gondolier envoyé par l’obligeant avocat Brandolini. Son père l’ayant mis en garde contre les tire-bourses vénitiens, réputés les plus adroits d’Europe, Axel veillait à la sécurité de son bien. Il vérifia que son portefeuille renfermant lettres de change et passeport était en sécurité dans une poche intérieure et tâta, sous sa chemise, le sachet de cuir contenant ce qu’il devinait être une fortune : les pierres précieuses offertes par Fontsalte, cet autre père, qui, tel un héros de tragédie, avait fait une entrée fracassante dans sa vie.
     
    Roberto, dit Berto, qui se présenta une heure avant midi, plut tout de suite à Axel. C’était un homme dans la force de l’âge, de taille moyenne, assez réservé au contraire de ses semblables, s’exprimant en français, respectueux sans flagornerie. Il annonça avec simplicité ses tarifs et Axel loua ses services pour le reste de la journée.
     
    – Je compte sur vous pour me donner une sorte de connaissance sommaire de Venise. Après, j’approfondirai, dit-il.
     
    Roberto connaissait son métier. Il installa son client sur les coussins de velours cramoisi, lui proposa un plaid en expliquant qu’au ras de l’eau l’air était frais et, débordant sa gondole du débarcadère de l’hôtel, commença à chanter des couplets qu’Axel identifia comme étant de l’Arioste. Berto, en poussant l’esquif le long du quai des Esclavons, appréciait qu’au contraire de la plupart des touristes ce Suisse ne posât pas tout de suite une série de questions stupides, qui le forceraient à interrompre sa chanson.
     
    Alors que la gondole longeait la piazzetta, il guetta l’effet que produisait chez ce voyageur qu’il trouvait peu expansif et même distant la vue de la plus fameuse perspective de Venise. Axel restait silencieux mais son regard bicolore, déjà remarqué par le batelier, disait clairement sa surprise et son attention, presque son heureux étonnement, devant un décor si grandiose. Quand le gondolier interrompit son chant, Axel crut poli de donner son opinion.
     
    – Tout homme doit être reconnaissant aux Vénitiens du passé d’avoir conçu et bâti une telle cité, dit-il simplement.
     
    Quand la gondole vira dans le rio 7 dei Greci et glissa sous le pont des Soupirs, Axel leva les yeux et récita à haute voix, pour être entendu : « J’étais à Venise sur le pont des Soupirs, entre un palais et une prison… » Puis une autre strophe lui vint à l’esprit : « J’aimais Venise dès mon enfance. Elle était pour mon cœur
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