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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine
Autoren: Maurice Denuzière
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bonheur d’être à Venise tandis que Gianfranco Brandolini, sachant par expérience l’émotion que suscitait chez l’étranger une première arrivée par la lagune, se taisait, heureux de constater qu’en dépit de ses malheurs présents et d’un déclin avéré sa ville conservait intact le pouvoir de fascination auquel tant de visiteurs avaient été sensibles après Pétrarque, Commynes, le président de Brosses, Goethe, Chateaubriand et ce lord Byron qui n’en finissait pas de créer du scandale ! Il s’adressa en dialecte à ses gondoliers et ceux-ci se mirent à chanter des stances du Tasse que reprirent bientôt, leur donnant la réplique, d’autres gondoliers qui, comme eux, poussaient leur bateau vers la piazzetta et l’entrée du Grand Canal.
     
    Quand la gondole eut laissé sur la gauche une tour surmontée, en guise de girouette, du génie de la fortune et, sur la droite, l’île-église de San Giorgio, pour se ranger devant la porte d’eau de l’hôtel de l’Europe, Axel eut le temps d’apercevoir la première courbe du Grand Canal. L’admiration devint éblouissement. Tous ces palais, pièces montées ocre ou sang-de-bœuf, défraîchies et lézardées, posées sur un miroir liquide verdâtre, semblaient abriter une vie mystérieuse et, à coup sûr, opulente et raffinée.
     
    – Je ne pouvais imaginer cité plus étonnante…, décor plus somptueux. Venise est-elle de ce monde ou appartient-elle à l’univers des sortilèges, monsieur ? s’exclama Axel, que son tempérament réservé ne poussait pas, d’ordinaire, à l’enthousiasme.
     
    Le Vénitien s’inclina, comme si le compliment allait à sa personne.
     
    – Quand vous aurez appris à connaître Venise, monsieur, vous l’aimerez d’amour et quand vous la quitterez, ce sera un arrachement ! Mais il faut apprendre Venise…
     
    – Je ne souhaite qu’apprendre, monsieur, coupa Axel.
     
    Les bateliers ayant déchargé les bagages du Vaudois sur une jetée de planches, perron d’eau de l’hôtel, deux valets, aux ordres d’un portier arrogant, s’en emparèrent aussitôt. Debout dans la gondole, le Vaudois se préparait à prendre congé de son hôte quand Gianfranco Brandolini le retint familièrement par le bras.
     
    –  Voglia scusarmi, signore . J’ai remarqué votre regard bicolore, dit-il, un peu confus, mêlant italien et français.
     
    – Ah ! Il arrive que les gens s’en aperçoivent et que certains me le rappellent, au cas où je l’aurais oublié, répondit un peu sèchement Axel, que toute allusion à son œil vairon agaçait.
     
    L’avocat ne releva pas le ton et reprit, aimable :
     
    – À Venise, on dit que c’est le regard vainqueur du condottiere Bartolomeo Colleoni, dont la statue par Verrocchio orne le campo Zanipolo. Comme ce grand mercenaire a laissé toute sa fortune à Venise, nous voyons toujours ceux qui nous arrivent avec l’œil vairon comme porteurs de buona fortuna . Aussi, permettez-moi de vous proposer, pour apprendre Venise, si vous le souhaitez, le meilleur professeur qui soit, mon cousin le comte Ugo Malorsi et Roberto, dit Berto le gondolier, qui est un homme sûr. Car tous les gondoliers ne le sont pas et il se trouve parmi eux de fieffés coquins, qui ne pensent qu’à filouter les étrangers.
     
    Axel, rasséréné, remercia.
     
    – Et où puis-je rencontrer le comte Malorsi et Roberto, le gondolier, s’il vous plaît ?
     
    – Mon cousin sirote, chaque jour vers midi, un punch à l’alkermès au café Florian, sous les Procuratie Nuove, place Saint-Marc, on vous indiquera. Quant à Berto, je l’enverrai prendre vos ordres, demain, en fin de matinée. Si cela vous convient, bien sûr ?
     
    Cela convenait et, après un dernier au revoir, Axel pénétra dans l’hôtel. Le Vénitien, correspondant de Laviron-Cottier, banquier genevois des Métaz, avait sans doute annoncé quelque nabab helvète en retenant la chambre d’Axel. Du directeur à la femme de chambre, tout le personnel eut, pour le jeune Veveysan, les égards dus aux princes. Parmi les choses qu’Axel devait bientôt apprendre à Venise figurait la propension à l’obséquiosité chez tous ceux qui vivaient d’une industrie nouvelle : le tourisme. Courtoisie exagérée et courbettes se réduisaient sensiblement au bout de quelques jours, si les pourboires n’étaient pas à la hauteur des salamalecs et des attentions !
     

    Ayant fait toilette, Axel commanda un dîner
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