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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra
Autoren: Paul Bonnecarrère
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tomber, mais la compagnie a infligé des pertes sévères à
    ses assaillants qui semblent faire preuve de lassitude.
    À 16 heures, le capitaine
    Bergé est atteint une troisième fois, juste au-dessus du genou. Lentement il
    fait jouer l’articulation, constate qu’elle est intacte, puis il aide le
    médecin à transformer sa bande molletière en garrot.
    Par une brèche à l’ouest
    du cimetière, un soldat se faufile. Son allure de bidasse ahuri, son teint
    rosâtre de gros poupon rendent encore plus émouvants les risques qu’il prend
    pour rejoindre la compagnie harcelée. Cloué au sol, le capitaine reconnaît son
    chauffeur, Bastien, un gars de la Creuse. Pas un homme de la compagnie qui n’ait
    ri de lui, qui n’ait raillé sa dégaine de paysan trop bien nourri. Auprès du
    capitaine, Bastien s’excuse naïvement de la lâcheté du caporal-chef chargé de
    la liaison.
    « Il a foutu le
    camp, mon capitaine ! Alors, je suis venu avec la Juvaquatre. Elle est
    par-derrière, à moins d’un kilomètre. Le commandant Dupuis a dit qu’il fallait
    vous replier. Il l’a écrit, mais le caporal-chef s’est barré avec le papier. »
    Bergé donne des ordres. La
    compagnie va évacuer en trois groupes par la brèche ouest. L’état-major se
    trouve à Cambrai : une vingtaine de kilomètres à parcourir. Après, on
    avisera.
    Bergé quitte le
    cimetière le dernier. Il s’est confectionné une canne ; il tente de
    marcher, soutenu par Bastien, mais très vite il s’écroule, épuisé, vaincu par
    la tension nerveuse et la douleur. Bastien le porte sur son dos jusqu’à la
    Juvaquatre. Dans une semi-conscience, Bergé voit défiler les premières images
    de l’exode. L’interminable chenille de soldats hébétés, abrutis, hagards qui se
    traînent, misérables et loqueteux. Ils ne fuient pas, ils sont indifférents, ils
    marchent sans connaître leur destination, ils suivent le précédent. Pour s’alléger
    ils ont jeté leurs armes. La Juvaquatre avance au pas. Par moments, Bastien est
    contraint de l’arrêter, bloqué par la densité des hommes. Près de Cambrai, Bergé
    observe le manège d’un vieux paysan qui vient de ramasser un fusil, un Mas 36. Il
    en a fait jouer habilement la culasse ; maintenant il est occupé à
    récupérer des chargeurs. Ce qui surprend Bergé, c’est le réflexe du vieux qui a
    dissimulé l’arme dans une capote avant de s’éloigner.
    À Cambrai l’état-major a
    décroché, il faut improviser. Dans la nuit du 18 au 19 mai 1940, quelques
    heures après avoir évacué le cimetière de Cambraisi, Bergé trouve, en gare d’Arras,
    un train sanitaire en instance de départ. Il donne l’ordre à Bastien de l’y
    abandonner.
    Dans le wagon, trois
    religieuses sont débordées, impuissantes devant la souffrance, le désespoir, souvent
    l’agonie des blessés. Bergé est étendu sur une couchette ; il reste sans
    soins, mais ne s’en préoccupe pas. C’est dans une lassitude indifférente qu’il
    perçoit le mouvement du convoi qui s’ébranle.
    À ses côtés un homme
    vient de mourir ; une religieuse lui a fermé les yeux, elle a rabattu sa chemise
    en lambeaux sur son visage. On manque de couvertures.
    À 7 heures du matin, lorsque
    le train atteint Abbeville, une escadrille de Stuka attaque la ville, s’acharne
    sur la gare. Une écœurante panique s’abat sur les occupants du convoi sanitaire.
    Ceux qui peuvent marcher, ceux qui peuvent se traîner, ceux qui peuvent ramper
    évacuent les wagons. Seules les trois religieuses n’abandonnent pas leur poste ;
    l’une d’elles a un sursaut d’indignation.
    « Même le médecin a
    pris la fuite ! Un colonel, c’est une honte ! »
    Bergé réagit. Criant
    presque, il ordonne :
    « Ma sœur, allez
    dire au mécanicien de mettre en route. Il faut sortir le train d’ici.
    — Le mécanicien est
    parti avec les autres, capitaine. »
    Un infirmier s’approche :
    « La machine est
    sous pression, je peux la faire fonctionner. Je veux dire, si vous m’en donnez
    l’ordre, mon capitaine.
    — Va, je prends
    tout sur moi, va vite ! »
    Il ne faut que quelques
    minutes à l’infirmier pour gagner la motrice et la mettre en marche. Miraculeusement
    épargné, le train sanitaire glisse lentement en direction de Neufchâtel.
    Il faudra trois jours au
    convoi pour atteindre Caen, trois jours durant lesquels de nombreux blessés mourront
    faute de soins, trois jours de pagaille, de palabres, de discussions
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