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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra
Autoren: Paul Bonnecarrère
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francs qui lui restent, il décide de s’offrir
    un verre et de chercher un moyen de transport pour gagner Saint-Jean-de-Luz. Au
    moment où il s’apprête à pousser la porte d’un bistrot, un espoir l’envahit. Deux
    officiers polonais sont accoudés au bar. Bergé commande un vin rouge et s’approche
    des hommes.
    « Pardon, messieurs,
    parlez-vous le français ? » Les hommes le dévisagent, soupçonneux. L’un
    d’eux questionne sans le moindre accent : « Qui êtes-vous ?
    — Capitaine Bergé, 13 e d’infanterie de Nevers.
    — Que voulez-vous ? »
    Bergé décide de jouer le jeu.
    « J’ai entendu dire
    que des navires polonais devaient quitter Saint-Jean-de-Luz… »
    Il s’interrompt devant
    le regard qu’échangent les deux hommes. Le plus grand hausse les épaules.
    « Nous sommes
    français comme toi, Bergé ! Les Polonais nous ont donné ces capotes et ces
    casquettes. Je suis l’aspirant Quilici, François Quilici. Lui, c’est l’aspirant
    Bensa. (En riant, il ajoute :) Il est tout ce qu’il y a de plus français, c’est
    le petit-fils de Clemenceau. » Les trois hommes échangent des poignées de
    main et commandent à boire. Quilici est optimiste, rien ne semble pouvoir
    altérer son moral ; même lorsqu’il se veut grave, ses yeux conservent une
    étincelle de malice.
    Le vieux paquebot
    transformé en transport de troupes s’appelle Jean Sobieski. Ils sont une
    centaine de Français tassés sur le pont, tous affublés d’une houppelande
    polonaise ; ils regardent s’éloigner leur pays, hantés par la même pensée :
    « Quand reviendrons-nous ? Reviendrons-nous jamais ? » C’était
    le 17 juin 1940.
    La mer est calme, le
    ciel clair. À minuit, la plupart des hommes dorment. Les Polonais se sont
    montrés avares de confidences quant à la destination de leur navire, mais nul
    ne semble s’en préoccuper ; dans l’ensemble les hommes pensent qu’ils
    gagnent l’Afrique du Nord.
    Vers 2 heures du matin. Quilici
    est saisi par un doute : on continue à faire route au nord-ouest, il y a
    maintenant plus de six heures que le cap est fixe.
    « Essayons d’interroger
    les « Polacks », suggère Bergé.
    — Le lieutenant
    taciturne, là-bas, le grand maigre à lunettes qui n’a pas desserré les dents
    depuis le départ a déjà essayé, ils l’ont envoyé rebondir.
    — Qui est ce
    tourmenté ? Tu le connais ?
    — C’est un juif. Schumann,
    Maurice Schumann, je n’en sais pas plus. »
    À l’aube le mystère s’éclaircit.
    Le Jean Sobieski rejoint un convoi d’escorteurs britanniques. Le cap devient
    plein nord. La destination ne peut être que l’Angleterre. Quilici s’en montre
    enthousiaste.
    « J’ai des tas d’amis
    et de relations à Londres », annonce-t-il.
    Il faut trois jours au Jean Sobieski pour parvenir àLiverpool. Bergé, Quilici et Bensa ont joué
    des coudes pour se trouver au plus près de la passerelle de débarquement. Le
    calme et la quiétude du grand port les étonnent. Ils ne constatent pas la
    moindre trace des combats violents qui se sont déroulés sur le continent. Pendant
    la traversée, ils sont restés coupés du monde, aucune nouvelle ne leur est
    parvenue.
    Dans la bousculade
    inévitable qui se produit sur la passerelle, Quilici gagne plusieurs places. Il
    met pied à terre parmi les premiers. Depuis la veille il a prévenu Bergé et
    Bensa :
    « Il faut que j’essaie
    de téléphoner par tous les moyens. Quel que soit l’endroit où nous débarquerons,
    il y aura désordre et confusion. Une centaine de Français en uniformes polonais,
    sans la moindre instruction, ça ne peut que créer une monstrueuse pagaille, j’essaierai
    d’en profiter. »
    Il ne se trompait pas. Sur
    le quai les Français sont parqués, encadrés par quelques militaires britanniques
    qui attendent des ordres. Quilici est parvenu à se faufiler, il a gagné des
    bâtiments voisins.
    Après une heure, Bergé
    et Bensa commencent à s’inquiéter. Il est évident que les consignes arrivent, qu’on
    va les faire bouger incessamment. Quilici revient à la dernière minute, alors
    que les camions qui leur sont destinés se rangent en demi-cercle. Un
    sous-officier rigide l’interroge sur les raisons de son éloignement ; il
    feint d’ignorer l’anglais, mais d’un geste précis, explique qu’il vient de
    pisser.
    Dans le camion, Quilici
    garde le silence. Bergé et Bensa comprennent qu’il ne tient pas à faire un rap
    port public.
    A peine
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