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Quelque chose en nous de Michel Berger

Quelque chose en nous de Michel Berger

Titel: Quelque chose en nous de Michel Berger
Autoren: Yves Bigot
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de la totalité du dossier, à savoir la biographie commentée en ouverture culture (« Michel Berger, mort sur le court », en écho à la une du journal, « Berger, une étoile s’éteint »), l’analyse de la galaxie considérable de l’auteur-compositeur (« Berger, le style France »), les projets interrompus et l’actualité de sa musique (« Starmania, un top à l’anglaise ») et enfin une liste exhaustive et commentée de ses succès, de « Message personnel » à « The World Is Stone » (« Vingt ans de tubes »). Soient deux pleines pages et demie. Pas de Wikipédia comme support piégé, rien que ma mémoire, des souvenirs et des dépêches d’agence, à réunir, organiser, développer en tentant de faire apparaître contre la montre un portrait fiable et sincère à travers un C.V. pareillement fourni tout en cherchant parallèlement à comprendre les événements. Et en pareille circonstance, faute d’être capable à la Tom Robbins de ciseler la phrase idéale et définitive avant de seulement envisager d’enchaîner la suivante, il convient surtout d’essayer de ne rien omettre tout en recueillant les réactions des uns et des autres et, surtout, en parvenant à atteindre la ligne d’arrivée avant le bouclage. J’ai de l’entraînement, de la vitesse, suis rompu au timing, je connais parfaitement le sujet hélas, mais paradoxalement, il est toujours plus difficile – et délicat – d’écrire sur des artistes français qu’anglophones : à ce stade – 1992 –, la documentation est rare et sujette à caution, et le show-business hexagonal mérite pleinement sa réputation de royaume de l’omerta, hostile à toute ingérence – ne parlons pas de la critique.
    Je speede au milieu des coups de fil, sous la protection bienveillante de Bayon et de Serge July, et termine juste dans les délais, sans pouvoir me relire.

    Trois jours plus tard, jeudi 6 en fin de matinée au cimetière de Montmartre, sous un beau soleil et au milieu d’une foule d’amis, de chanteurs, de personnalités et des flashes saluant l’arrivée de Patrick Bruel revenu spécialement des Jeux olympiques de Barcelone en maillot de l’équipe de France de hand-ball, René Cleitman, qui fut mon patron à Europe 1, et depuis devenu un remarquable producteur de cinéma à la tête de Hachette Première, m’apostrophe. Il me reproche vertement d’avoir cité le fameux refrain d’« Ella, elle l’a » à propos de la carrière d’interprète de Michel, au sujet de laquelle j’avais écrit qu’il lui avait justement peut-être manqué pour s’imposer plus nettement et s’affirmer comme le Stevie Wonder ou le Paul McCartney français qu’il méritait d’être ce tout petit supplément d’âme qu’il admirait tant chez ses héros et attribuait à Ella Fitzgerald. « Il y a des fois où il faut savoir ne pas être trop bon », me dit-il froidement en s’éloignant vers des têtes connues qui semblent toutes acquiescer gravement. Hey, I’m just a soul whose intentions are good : « Don’t Let Me Be Misunderstood » !
    Sans doute me serais-je relu que j’aurais pris le temps de préciser tout le sens de cette « soul » qu’il invoquait pour nous autres qui savons ce que c’est, cette énergie du désespoir conjuré, prière païenne, musique sans fards, directement du cœur au larynx, version séculaire, individualisée et sexualisée de la ferveur du gospel pentecôtiste du Sud vaincu et ségrégationniste, dont la génétique et son déterminisme social l’avaient naturellement et injustement privé.
    « Évidemment », qu’il ne s’agissait pas d’un commentaire désobligeant concernant sa personnalité, critiquant un supposé manque de générosité, de sincérité ou de je ne sais quoi encore, tellement éloigné de ce que je connais – et pense – de lui. Simplement un constat géoculturel, une réalité que nous connaissions lui et moi, et évoquions souvent ensemble : « The First Lady of Song », mais aussi Ray Charles, Otis Redding, Sam Cooke, Al Green, Solomon Burke, Aaron Neville, Etta James et Aretha Franklin, ne sont pas nés à Neuilly-sur-Seine, et la tradition dont ils sont issus laisse bien plus de place à la spontanéité animale, à l’hystérie sanctifiée, à l’émotion brute, à l’essence humaine, « de l’âme » donc, exigées par cette musique essentiellement afro-américaine, que celle, informée par l’histoire et la connaissance savante, contente d’elle-même,
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