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Potion pour une veuve

Potion pour une veuve

Titel: Potion pour une veuve
Autoren: Caroline Roe
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porte de sa chambre s’ouvrit, et les réflexions de Clara sur les nombreuses injustices de la vie tournèrent court. Sa mère se tenait sur le pas de la porte. Elle avait un gros panier à provisions au bras et Guillem, le petit frère de Clara âgé de deux ans, s’accrochait à son autre main. Elle entra et referma doucement la porte derrière elle.
    — Clara, écoute-moi, murmura-t-elle en posant son panier à terre. Je veux que tu prennes quelques effets… du linge, une babiole peut-être. Nous devons partir. Tout de suite.
    — Mais, maman, vous aviez dit…
    Clara se tut. Le jour où était arrivée la nouvelle de la mort de papa, sa mère avait eu le même regard.
    — Sois aussi silencieuse qu’une petite souris, ma chérie, dit-elle en souriant comme s’il n’y avait aucun problème. Les serviteurs ne doivent pas nous entendre. Les affaires de ton frère sont dans le panier. Je vais l’emmener avec moi comme si je me rendais au marché. Attends ici. Dès que tu m’apercevras par la fenêtre, prends ton balluchon et rends-toi chez les sœurs. Elles sauront quoi faire.
    — Mais, maman, j’essayais ma vieille robe… Je dois me changer !
    — Tu ne comprends pas, ma chérie. Il n’y a pas le temps. Va telle que tu es. Mets un tablier pour masquer la déchirure, dit-elle en se saisissant du tablier en question. Attends, je vais te le nouer. Embrasse ton frère. Dès que tout ira bien, je viendrai te chercher. Je te le promets.
    Elle s’accroupit et regarda sa fille droit dans les yeux.
    — Personne ne doit savoir que tu t’en vas. Assure-toi que l’on ne te suit pas. Ne dis à personne le nom de papa. As-tu compris ? Pour ta sécurité, la mienne et celle de ton frère.
    — Où allez-vous, maman ? dit-elle en s’accrochant au bras de sa mère.
    — Si quelqu’un te le demande, réponds que tu l’ignores.
    Elle serra sa fille dans ses bras.
    — Dis-leur que tu crois que je suis partie à Majorque. Que je ne peux croire à la mort de papa et que je pense qu’il se trouve là-bas.
    — C’est vrai ?
    — Aussi vrai que ce monde existe, fit-elle avec amertume. Il te faut un peu d’argent, ajouta-t-elle en tirant une petite bourse de son vêtement avant d’en refermer le bouton. Cache ça sous ton tablier, que personne ne le voie. Les sœurs veilleront sur toi.
    Elle prit le bambin et s’enfuit d’un pas léger malgré le poids de son fils. Clara entendit le gazouillis de son frère alors qu’ils dévalaient l’escalier. Hébétée, elle empila du linge propre et sa robe d’été dans son plus beau châle, le noua, s’arrêta un instant et dissimula encore un peu de linge dans son corsage.
     
    En toute hâte, elle franchit la porte d’entrée et se mêla à un groupe d’une dizaine d’hommes qui marchaient d’un bon pas vers le centre de la ville. Ils bavardaient entre eux et ne s’intéressaient nullement à elle. Rassurée, elle les suivit. Au bout de sa petite rue tranquille, ils se joignirent à une foule bruyante qui prenait la direction opposée au couvent. Elle fut entraînée, pressée de toute part par des passants, plus grands qu’elle, sans pouvoir réagir.
    La foule s’arrêta. Tout autour d’elle, des gens criaient et sautillaient. Elle essaya de se faufiler à travers eux, se heurta à un gros garçon et lâcha son balluchon. Avant même qu’il atteignît le sol, une main sale jaillie de la multitude s’en empara. Elle entrevit une jupe déchirée, des jambes nues, puis son balluchon dans les bras d’une fille de sa taille.
    Elle s’accroupit pour se frayer un chemin et rejoindre la fillette et manqua de tomber entre deux paires de jambes. Apeurée, impuissante, elle se redressa et regarda désespérément alentour.
    Des larmes coulaient sur ses joues. Elle voulut lever le bras assez haut pour les essuyer avec sa manche. Soudain, d’énormes mains la saisirent à la taille et la hissèrent au-dessus de la populace. Elle haleta, trop effrayée pour hurler. Puis elle se retrouva sur la solide épaule d’un homme portant la tunique d’un artisan prospère.
    — Allez, lui dit-il, ne pleure pas. Tu les verras mieux de là.
    — Messire, je vous en prie, murmura-t-elle. Je me rends chez les sœurs. Je dois y aller sur-le-champ.
    — Elles te pardonneront si tu es en retard, mon enfant. Nul ne peut traverser cette foule. Dès que ce sera terminé, je te remettrai sur la bonne voie.
    Quelque part devant elle éclata une fanfare de trompettes qui
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