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Potion pour une veuve

Potion pour une veuve

Titel: Potion pour une veuve
Autoren: Caroline Roe
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Constantinople ? Est-ce qu’il va voir Daniel ?
    — Yusuf, lui dit sa sœur, Miriam. Tu ne peux pas écouter ?
    — Je peux aller en Sardaigne, papa ? Et puis, j’écoute mieux que toi, Miriam. Quand je suis à l’école…
    — C’est pour sa sécurité, dit Isaac qui s’efforça de couper court aux chamailleries des jumeaux. Cela ne sera pas pour très longtemps, j’espère, et nous regretterons tous son absence.
    — Il ne s’en ira pas, trancha Judith. Je ne l’enverrai pas participer à une guerre qui ne le concerne pas. Toute cette distance, en bateau, seul… C’est encore un enfant.
    — Il a treize ans, précisa Isaac. N’est-ce pas, Yusuf ?
    — Peut-être, répondit Yusuf, gêné. Je n’en suis pas très sûr.
    — Quel âge avais-tu quand tu es parti pour Valence avec ton père ?
    — Je n’en suis pas très sûr, répéta Yusuf en pâlissant.
    — Tu as dit que tu avais sept ans, intervint Raquel. Tu nous aurais menti ?
    La sœur aînée des jumeaux porta sur lui un regard accusateur.
    — Je ne pense pas, répondit-il d’un air malheureux. Quelqu’un m’a dit que j’avais sept ans l’année de la peste.
    — Nous ne pouvons continuer ainsi, déclara Judith. Chacun va dire n’importe quoi. Tu te rappelles le jour où tu as perdu ta première dent de lait ?
    — Oui, dit-il. J’étais en train de jouer, dans la cour.
    — Quelle cour ?
    — La nôtre. C’était la veille de notre départ pour Valence. Je l’ai confiée à ma mère, et en échange elle m’a donné un baiser et une pièce d’argent. Sur le chemin de Valence, j’avais un trou étrange entre les dents. Et puis j’ai perdu ma pièce. Ensuite…
    — Je ne crois pas qu’il ait plus de douze ans, conclut sèchement Judith. Je l’ai toujours cru plus jeune qu’il ne le prétendait.
    — Il est assez vieux pour suivre Sa Majesté en Sardaigne et naviguer sur la mer, dit Isaac. Il en est de plus jeunes que lui à la cour et sur les vaisseaux du royaume, qui apprennent les arts de la guerre et de la navigation. Nous n’avons pas le choix, ma mie.
    — Il ne s’en ira pas, s’obstina Judith.
     
    Mardi 29 juillet 1354
     
    — Voilà une excellente idée, dit le secrétaire de Don Vidal.
    Le jeune homme à la vue perçante avait parcouru une bonne douzaine de lieues ce matin-là et, malgré la fatigue, la poussière de la route et la chaleur du jour, il réussissait à paraître propre et élégant.
    — Pour plusieurs raisons, ajouta-t-il en prenant une grande rasade de la boisson fraîche déposée devant lui, sa seule concession aux rigueurs de la journée.
    — Vraiment ? dit Berenguer.
    — J’ai quitté Barcelone jeudi dernier, Votre Excellence, ayant d’autres affaires en route à traiter pour Son Excellence, Don Vidal. La dernière fois que je lui ai parlé, Don Vidal venait d’apprendre des nouvelles accablantes de Sardaigne. Il y a eu une recrudescence de fièvres parmi les soldats ; non seulement des hommes sont morts, mais les réserves destinées à secourir les malades s’épuisent. Sa Majesté a un besoin urgent de remèdes, de vin, de volailles et de sucre. Les galées partiront dès que les marchandises auront été chargées à bord et les vaisseaux armés en hommes. Le pupille de Sa Majesté peut voyager en toute quiétude sur l’un d’eux.
    — Quand cela sera-ce ?
    — La première galée devrait être en mesure d’appareiller dès lundi prochain ; une autre la suivra au cours de la même semaine.
    — J’ai une solution très simple pour un tel problème, dit Berenguer.
    — Une solution très simple ? répéta le secrétaire. Envisageriez-vous de renvoyer ce garçon à Grenade ? Êtes-vous certain que Sa Majesté l’approuverait, vu les circonstances ?
    — Je n’y songeais pas, répliqua sèchement Berenguer. Comme vous et moi le savons, il n’a besoin que d’une licence pour demeurer où il se trouve. Sa Majesté lui en accordera une, sans aucun doute. Ou bien…
    — En l’absence de Don Pedro, le procurateur de Sa Majesté y pourvoira certainement, ajouta le secrétaire. Don Vidal a, évidemment, envisagé cette possibilité. Toutefois, certaines considérations…
    — Par exemple, pourquoi le père Salvador a-t-il attendu près de cinq mois avant de parler d’une chose qu’il trouve si répugnante ? dit l’évêque d’un air narquois. À propos, comment explique-t-il ce retard ?
    — Il dit que, connaissant vos scrupules en
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