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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville
Autoren: Robert Merle
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guerre fratricide !) mais prudent à l’excès, et très
insuffisant dans son outrecuidance, il désirait attendre l’arrivée des renforts
espagnols avant que d’attaquer.
    Cependant, les Parisiens lui
faisant des tumultes l’y contraignirent et, courroucé qu’ils lui eussent forcé
la main, le Connétable, pour se revancher, plaça en avant-garde et devant même
les Suisses, leurs corps de volontaires, gros bourgeois galonnés d’or et
cachant leurs bedondaines sous des armes étincelantes. Coligny et ses maigres
hères, vêtus de blanc, se ruèrent sur eux, les bousculèrent, les mirent à
vauderoute. Et refluant, nos gros compères jetèrent le désordre dans le rang
des Suisses, ce que le Connétable, qui avait l’esprit court, n’avait pas su
prévoir.
    L’ambassadeur de Turquie, posté
pour mieux voir l’action sur la colline du petit village de Montmartre, resta
béant de l’audace et vaillance de nos casaques blanches : « Si Sa
Hautesse avait ces blancs, dit-il, elle ferait le tour du monde, et rien ne
tiendrait devant elle. »
    Rien ne tint, en effet, devant
Condé, qui à la tête de ses cavaliers poussait droit au Connétable. Le
toquement fut rude. Un des compagnons de Condé, l’Écossais Robert Stuart,
cruellement torturé jadis par les papistes, chercha Montmorency et, d’un coup
de pistolet, lui cassa les reins.
    Le chef des armées royales tué,
notre petite armée, trop petite pour vaincre, se retira, invaincue, à Montereau
où elle tâcha à étoffer ses rangs, tandis que Paris, léchant les morsures des
loups huguenots, travaillait à grossir les siens. Ainsi s’établit une sorte de
trêve qui dura tout l’hiver, chacun des deux partis se fortifiant pour l’assaut
décisif. Et qu’interminable cet hiver-là me parut en mon nid crénelé !
D’autant qu’il fut tout frimas et tout neige en notre Périgord, cette froidure
me glaçant les membres après la douce tiédeur du ciel montpelliérain.
J’écrivais à mon « père » le Chancelier Saporta, à Maître Sanche, à
Fogacer. J’écrivais tous les jours que Dieu faisait à mon Angelina. Et
j’écrivais une fois le mois à M me de Joyeuse et à la Thomassine.
    Celles-là, s’il faut le dire,
manquaient à mes sens, comme Angelina à mon cœur. Ha ! Certes ! Ce
n’est pas que je ne désirais point rester fidèle, même en pensée, à mon bel
ange, mais comment demeurer si longtemps dans le fiel et l’aigreur de la chasteté,
moi qui avais tant friandise du suave corps féminin ? Il faudrait pour
cela que les esprits animaux nés de nos impérieux organes (qui chacun veut à
force forcée accomplir sa mission) ne se pressent pas en telle foule dans les
canaux de la cervelle. Mais nos quotidiens plaisirs discontinués, l’abstinence
appelle ces esprits-là en grande multitude et nous voilà par nos songeries
tyrannisés le jour quand nous sommes désoccupés, et la nuit dès que le sommeil
nous fault. C’est ainsi que le pensement devenu pensamor, je ne laissais pas de
me ramentevoir les délices où, à l’Aiguillerie et à l’hôtel de Joyeuse, je
m’étais quand et quand ventrouillé, ce qui me fâchait bien à la réflexion, car
je n’eusse voulu rêver qu’à celles que je me promettais avec Angelina. Hélas, le
proverbe périgordin dit vrai : on ne mange pas de rôt à la fumée ; et
le bouquet des amours futures ne remplace pas l’humble quignon de pain dont le
mérite est d’être là, quand l’estomac est creux et la salive en bouche.
    Pour l’heure, à vrai dire, je n’avais
rien – ni céleste ambroisie, ni terrestre croûton – étant serré à
Mespech comme dans une geôle, avec défense de montrer le nez à Sarlat et même
dans nos villages, tant la frérèche (j’entends mon père et Sauveterre)
craignait que dans les troubles du temps on n’attentât à notre vie.
    J’avais trouvé l’oncle Sauveterre
le poil bien blanchi, le col maigri dans sa petite fraise huguenote, traînant
beaucoup sa patte navrée, l’humeur au surplus fort rechignée, ne prononçant pas
trois mots le jour (et sur ces trois, deux de la Bible) et plus que jamais
sourcillant et grommelant sur les faiblesses de Jean de Siorac pour Franchou,
l’ex-chambrière de ma défunte mère, encore qu’il aimât assez le bâtard que mon
père avait fait à la mignote, lequel avait un an déjà, et comme prénom, David.
    Franchou, qui le nourrissait,
était grosse à nouveau, et fort aise que le Baron lui eût
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