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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville
Autoren: Robert Merle
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signifié qu’il
aimerait autant que ce fût une fille, pour ce que à Mespech, disait-il, avec
Jacquou et Anet (mes frères de lait, fils de ma nourrice Barberine) et mon
demi-frère David, il y avait des petits mâles à la suffisance, et qu’il
voulait, cette fois, un joli minois pour égayer nos vieux murs. Propos qui
faisait que la Franchou s’abandonnait sans crainte au plaisir d’être grosse,
assurée que son fruit serait dans tous les cas bien accueilli, car pour autant
que mon père voulait drôlette, a-t-on jamais vu un homme tordre le nez devant
un mâle ?
    Ah ! Cet hiver-là, malgré la
froidure et la neige, quelle belle tablée nous avions les dimanches à Mespech
quand Cabusse venait du Breuil avec sa Cathau ; notre carrier Jonas, de sa
maison de la grotte avec la Sarrazine ; et Coulondre Bras de Fer, du
moulin des Beunes avec sa Jacotte – les trois garces fort fraîches dans
leur cotillon de fêtes, le bonnet de dentelle bien propret sur le chef, et
chacune portant dans ses bras un enfantelet –, pour ne point compter ici
la Franchou laquelle pourtant était de toutes en son for la plus fiérote, pour
ce que son David était fils de Baron. Tant est qu’à la fin le repas (qui était
ce jour-là fort succulent) ne se passait pas que l’une ou l’autre des quatre ne
délaçât son corps de cotte et n’en tirât un blanc tétin pour nourrir le
pitchoune sauf pourtant la Cathau qui se détournait pour ce faire, Cabusse
étant jaloux. Mais certes, il y avait bien de quoi avec les trois autres se
flatter l’œil et s’attendrir le cœur, et mon père au bout de la table
interrompait de la main les graves propos de Sauveterre afin que s’accoisant,
il pût mieux savourer la beauté de ces allaitements dont il ne se lassait point
tant il aimait la vie. Sauveterre, lui, gardait la paupière baissée, tenant que
la femme n’est que piperie et perdition de l’âme, ou au mieux, joie trop courte
et souci trop long, mais assez réjoui, cependant, de voir se multiplier à
Mespech tant de petits huguenots qui après nous porteraient sur cette terre le
flambeau de la vraie religion.
    — Ha ! disait ma
Barberine envisageant Jacotte donner le tétin à son enfantelet, lequel se
prénommait Emmanuel et, à la différence de son taciturne père, Coulondre Bras
de Fer, était braillard comme oncques n’ouïs en cette maison. Ha ! Mon
temps est passé ! (Elle soupira.) Depuis que Madame n’est plus (elle dit
cela en étouffant la voix pour non pas contrister Moussu lou Baron) que fais-je
céans ? Et à quelle usance suis-je propre, moi qui ne sais que donner mon
lait comme pauvre vache en l’étable ? Au moins, quand Madame était là, si
vite qu’elle connaissait être grosse, j’allais me faire engrosser par mon mari,
tant est que Madame la Baronne n’avait besoin que d’une nourrice d’occasion et
de raccroc en attendant que je pose, et devienne lachère. Mais ce jour d’hui,
que fais-je ? Le cœur me fend quand je vois ces jeunes et solides garces
donner le tétin à leurs pitchounes tant jolis et mignons et les gaver à tas de
leur bon lait comme j’ai fait autrefois du mien pour les petits Siorac.
Ha ! Pauvrette de moi ! À quoi je sers céans ? Moi qui ne sais
même pas cuire rôt ou pot comme la Maligou, ni ménager maison comme l’Alazaïs.
    — Barberine, dis-je, n’est-ce
rien d’avoir nourri François de Siorac, qui sera Baron de Mespech ?
Moi-même qui deviendrai grand médecin en la ville ? Et ma petite sœur
Catherine qui est belle assez pour marier un jour un haut et puissant
seigneur ?
    À cela, Catherine, rosissant,
baissa la paupière sur son œil bleu azur, et prenant en sa vergogne ses deux
nattes blondes, s’en mit les deux bouts dans la bouche. Elle avait passé treize
ans, tout juste comme la Gavachette (la fille que la Maligou disait avoir eue
d’un capitaine des Roumes, lequel, par sortilège, l’avait quinze fois forcée en
sa grange), et bien je me ramentois comme ma petite Catherine rageait en sa
muette furie quand elle avait trois ans, et que je portais sur mes épaules la
Gavachette, laquelle, au jour d’hui, était une vraie femme et ma sœur rien
qu’une enfant, n’ayant d’autre beauté que son émerveillable face, toute rose et
lys, œil bleu, cheveu doré, bouche cerise et nez mignon. Mais pour le corps, la
charnure point encore poussée, la jambe longue mais grêle, la fesse plate, du
tétin comme sur ma main.
    Bien je m’avisai
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