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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse
Autoren: Michel Peyramaure
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professionnels.
    J’attachai le plus grand soin au siège de Saragosse, le cœur de mon aventure. Beaucoup de souvenirs des deux sièges étaient d’une telle précision dans mon esprit que j’avais le sentiment qu’ils dataient de la veille, alors que d’autres restaient flous malgré mes efforts. C’est ainsi que des moments passés au quartier général ou au mess gardaient plus de relief que certaines scènes de batailles de rue dans lesquelles j’avais été impliqué.

    À peine avais-je attaqué ce récit que des doutes me prirent sur le talent et la patience qu’il me faudrait pour en venir à bout. À plusieurs reprises, je fus sur le point de déclarer forfait. Informée de mon projet, Héloïse, après avoir lu le premier chapitre, m’encouragea à poursuivre, mais avec des réserves : il ne lui plaisait guère de voir son nom et notre aventure figurer dans cet ouvrage. J’eus du mal à lui fairecomprendre que c’était un gage d’authenticité nécessaire à ces mémoires.

    Elle m’annonça que Jeanne Fournier avait (enfin !) reçu une lettre de son fils. Je m’empressai de lui rendre visite et eus du mal à déchiffrer ce courrier qui semblait écrit à la va-vite sur un tambour.
    J’appris que, après l’héroïque défense de Lugo, deux ans auparavant, François avait reçu le sobriquet d’ El Demonio en affrontant les bandes de don Julian, le plus redoutable chef insurgé de la Péninsule. Il avait suivi Masséna au Portugal, contre les armées anglaises de Wellington (le nouveau nom du colonel Wellesley).
    Il n’entrait pas dans le détail de cette campagne désastreuse qui allait lui donner la stature d’une légende vivante. Il consacrait trois pages à la bataille de Fuentès de Onoro, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Salamanque. La charge des six cents hussards de Montbrun contre les tuniques rouges, formées en carrés réputés impénétrables, est l’un des épisodes les plus célèbres de l’épopée impériale.
    Nous leur avons passé sur le ventre ! écrivait Fournier. Nous avons enfoncé leurs fameux carrés et avons capturé tant de prisonniers, plus de deux mille je crois, que nous ne savions qu’en faire ! J’ai bien mérité la croix d’officier de la Légion d’honneur que l’Empereur m’a décernée. Ma chère maman, tu peux être fière de ton fils.
    Un autre de ses courriers nous annonçait que la reconstruction de Saragosse avait débuté et que la statue de la Vierge del Pilar avait retrouvé son socle dans la cathédrale. La population en attendait des miracles.

    Par un doux jour de Pâques de l’année 1811, je pris pour femme Héloïse, veuve Brunie, fille de Pierre et de MariaBonal. La cérémonie se déroula dans une stricte intimité, en la petite église de Marval qui sentait le chèvrefeuille et le lilas. Les paysans de la localité et des environs vinrent nous saluer. Le cortège nuptial fut précédé d’un violoneux talentueux.
    Excellente cuisinière, Héloïse avait décidé de prendre en main le repas servi dans la grange du moulin à huile. Au dessert, un homme de la famille Bonal, revenu de Pologne avec un bras en moins, nous chanta quelques couplets dédiés à l’Empereur :
    Il aimait beaucoup les combats
    Et n’était pas fier à la guerre
    Il parlait avec les soldats
    Et mangeait leurs pommes de terre…
    Durant une partie de ces agapes, je gardai le petit Fabrice sur mon genou valide et lui laissai tremper ses doigts dans mon assiette. Émue, Héloïse nous couvait du regard.
    – Bientôt, dis-je au bambin, tu auras un petit frère ou une petite sœur.
    Quelques mois plus tard, Héloïse accoucha à Marval, dans sa famille, un soir de battages qui sentait la poussière de blé. Ce fut une fille. Nous l’appelâmes Céline, le prénom d’une aïeule de mon épouse.

    M. de Beauregard, qui continuait à m’honorer de sa sympathie et à me gratifier de ses conseils, fit à Héloïse un cadeau qui lui donna des ailes : le clavecin de son épouse décédée depuis des lustres, qu’il avait relégué dans un grenier. Au cours de ses études chez les clarisses de Sarlat, Héloïse avait appris à pianoter sur l’orgue de la cathédrale. Elle s’accommoda vite de cet instrument qui, accordé par un marchand de pianos de Périgueux, lui permit de jouer avec plus de passion que de talent Bach et Haendel.
    À dater de ce jour, le manoir de Barsac, aux heures paisibles du soir, fut inondé de musique.

3
    Le
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