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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse
Autoren: Michel Peyramaure
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escorte de cinq ou six cavaliers, voulaient dîner. Partis de Cahors, ils remontaient vers Périgueux en passant par Souillac.
    Un des officiers, le capitaine, ayant demandé à Delvert une table sur la terrasse, s’indigna que ce souhait lui fût refusé.
    – Ta terrasse est retenue, s’écria l’officier ? Eh bien nous allons voir ça !
    Un bruit de bottes précéda l’arrivée d’un grand escogriffe de capitaine aux fortes moustaches qui, à la vue de nos uniformes, nous dit :
    – Messieurs verriez-vous un inconvénient à ce que nous prenions place près de vous ?
    Je répondis poliment :
    – Capitaine, le patron a dû vous dire que cette terrasse avait été louée dans sa totalité et que nous tenions à être seuls.
    – Mais enfin, la place ne manque pas ! De quel droit…
    – Mon ami, lui lança Fournier, n’insiste pas. Nous avons des choses importantes à nous dire. Alors fiche-nous la paix !
    L’officier se pencha vers Delvert qui, rouge d’émotion, s’essuyait le visage avec son tablier, pour lui demander qui nous étions.
    – D’anciens officiers supérieurs de l’Empire…, dit-il avec un nouveau salut. Mille excuses, messieurs, et bon appétit !
    Dans les minutes qui suivirent, des conversations bruyantes, des éclats de rire et des chansons venus du rez-de-chaussée troublèrent la sérénité de notre entretien. De crainte que cette soldatesque s’en prît à mon épouse, je descendis m’assurer de sa sécurité. Elle me rassura : personne ne les importunait, les mets étaient excellents, elle et Fabrice leur faisaient honneur.

    La bonne entente entre mes deux amis s’était affirmée dès les premières flûtes de champagne et confirmée lors des entretiens détendus et riches en souvenirs communs. Ils prirent un tour joyeux quand Fournier évoqua un épisode de la campagne d’Italie sous les ordres de celui qu’il vénérait comme un demi-dieu, Masséna.
    Il se flattait d’avoir eu pour maîtresse, alors qu’il était en garnison à Milan, l’une des plus belles femmes de la ville, la comtesse Adriana Valentini, qui l’avait hébergé une semaine dans son palazzo .
    Marbot éclata de rire.
    – Je vais te surprendre, François : j’ai eu moi aussi les faveurs de cette dame. Comment l’oublier ? L’ardeur italienne dans un marbre grec.
    – Un Tanagra, mais avec un grain de folie. Avant de passer à l’acte, tu t’en souviens, elle nous faisait oindre le corps d’huile de Syrie. Son cri d’horreur à notre premier rendez-vous, quand elle a constaté que mon pubis grouillait de poux… J’ai dû le raser.
    – Cette hétaïre semblait avoir été initiée dans un sérail de Constantinople. Elle avait une préférence pour la position dominante, si bien que des envies de hennir me prenaient.
    – Pauvre de moi… Mon répertoire érotique est un simple abécédaire comparé au sien. Il est vrai que, dans les bordels de Sarlat…

    Delvert allait nous régaler d’un potage à l’ancienne, le mourtayrol : poule grasse aux clous de girofle, ail et safran, sublimée, in fine , par un chabrot au vin de pays.
    Il nous fit attendre la suite, mais nous avions assez de sujets de conversation pour ne pas perdre patience. Sur la route menant au centre-ville, une procession venait de s’achever. Les chants se mêlaient aux cloches de la cathédrale.
    Notre entretien prit un tour plus sérieux lorsque Marbot évoqua la mort de Louis XVIII. Il en avait eu des échos par un ami médecin qui s’était trouvé à son chevet. Le roi avait les jambes rongées par la gangrène. On s’était aperçu de son décès en voulant lui faire respirer de l’alcali.
    – Il a jusqu’à sa mort, dit Marbot, détesté son frère Charles, son successeur putatif au trône. Je ne sais encore s’il avait tort ou raison.
    – Il avait raison ! s’écria Fournier. Je n’ai aucune confiance dans cet homme de soixante-huit ans, à la cervelle d’oiseau et aux méthodes de tyran. Les faveurs qu’il m’a consenties ne m’empêchent pas de le juger. Il m’a envoyé acheter des chevaux en Angleterre, mais c’était peut-être pour m’humilier en me faisant jouer les maquignons. Il a osé prétendre que le passage de l’Empereur dans l’histoire n’a été qu’un incident  !
    – Je partage ton avis, François. Son défunt frère, qui avait lu Voltaire dans sa jeunesse, avait refusé le sacre. Charles a couru se faire couronner roi à Reims. Savez-vous, mes
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