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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse
Autoren: Elisabeth Eyre
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pas.
Le seul détail intéressant, grain de riz dans un interminable écoulement de
sable, était qu’un groupe de cavaliers avait quitté la ville peu après l’ouverture
des portes, l’un des hommes tenant blottie contre lui une jeune fille vêtue d’une
belle cape. Ce cavalier, en arrangeant son propre manteau, l’avait entrouvert
un instant alors qu’il passait sous un flambeau fixé à la muraille, dévoilant
le jaune et rouge des Bandini.
    Lorsque la grosse cloche du campanile adressa enfin son
vilain signal à la ville, Sigismondo décolla ses épaules du mur, informa Benno
qu’il n’avait pas toute la journée devant lui et s’éloigna dans la rue.
    — Bien joué, dit-il lorsque Benno le rejoignit. À présent,
il nous faut un cheval.
    La chaussée par laquelle ils partirent traversait une centaine
de mètres de campagne. Les chariots avaient creusé des nids-de-poule et de
profondes ornières, les cavaliers étaient passés de chaque côté pour les éviter,
et ceux qui allaient à pied avaient piétiné encore de chaque côté pour éviter
les trous des sabots et les crottes.
    À chaque fois qu’un nouveau chemin partait d’un côté ou de l’autre
de cette chaussée, Sigismondo s’arrêtait pour l’examiner et Benno, assis
derrière lui sur le robuste bai, se penchait pour voir si ce que regardait
Sigismondo allait le renseigner sur ce qu’il cherchait. Il ne comprit
absolument pas pourquoi l’un de ces chemins présenta un tel intérêt pour l’émissaire
du duc qu’il y engagea son cheval. Ils chevauchèrent jusqu’à l’orée d’une forêt.
    Benno regarda dans la direction qu’indiquait l’index de
Sigismondo et aperçut un peu plus loin une mince colonne de fumée s’élevant
au-dessus des arbres. Il crut comprendre : quiconque s’occupait du feu
devait avoir remarqué des cavaliers chevauchant avec une jeune fille. Sigismondo
fit jouer ses talons et le cheval accéléra son allure. En s’enfonçant dans le
bois, les deux hommes durent se baisser pour éviter les branches des chênes
dénudés par l’hiver. Ils débouchèrent enfin dans la petite clairière où fumait
le feu.
    D’un coup de reins, Benno se laissa tomber de cheval, trébucha
en se faisant mal à la cheville et courut vers la silhouette vêtue de blanc
allongée en travers du foyer. Les pieds de Sigismondo heurtèrent le sol et les
deux hommes retirèrent le corps de la jeune fille des braises. Il flottait une
écœurante odeur de viande brûlée, de tissu brûlé et de cheveux brûlés. Benno
toussa, produisant le son de quelqu’un sur le point de vomir.
    On l’avait allongée face contre terre et il ne restait pas
grand-chose de son visage. Son petit crâne était boursouflé et carbonisé, piqueté
des racines grillées des cheveux.
    Benno détourna la tête. Il sanglotait. Il saisit un pli de
la robe et le brandit sous le nez de Sigismondo.
    — Ma maîtresse… Ma maîtresse !
    Du fil doré scintillait en arabesques sur le satin crème. Une
petite fleur brodée retenait en son centre un cristal que la lumière faisait
clignoter dans la main tremblante de Benno.
    — Ils l’ont tuée. Les misérables…
    D’un preste coup de couteau, Sigismondo libéra les mains du
cadavre qu’on avait liées dans son dos.
    Benno s’empara de l’une d’elles et la baisa en pleurant.
    Sigismondo, accroupi sur ses talons, attendait. Au bout de
quelques instants, Benno émit un son interrogateur, cligna des paupières et se
frotta les yeux. Il fixa la main qu’il tenait. Puis il leva la tête et croisa l’impassible
regard brun de Sigismondo, qui fredonnait d’un air pensif.
    — Tu as raison, Benno, acquiesça-t-il. Ce ne sont pas
ses mains.

 
CHAPITRE III
« Les couleurs de qui ? »
    — Sascha, dit Benno.
    Avec précaution il reposa sur la poitrine de la jeune fille
la main qu’il tenait, comme pour en dissimuler les ongles courts et peu soignés,
les doigts abîmés par l’aiguille, les callosités dues à ces tâches routinières
qu’elle n’aurait plus jamais à accomplir.
    — Sa femme de chambre, Benno ?
    Saisissant à nouveau l’ourlet brodé de la robe et le brandissant
devant le visage pensif qui lui faisait face, Benno demanda :
    — Pourquoi porte-t-elle la robe de ma maîtresse ?
    — Un déguisement. Pour tromper les gens. Pour que ceux
qui l’ont vue, comme ton cousin Nardo, croient que c’était une dame accompagnée
de cavaliers.
    — Ils n’ont vu que sa cape, pas sa
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