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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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longtemps dans cette posture ridicule sans la décision de son caractère, qui lui fit de suite juger nettement la situation. Il prit son parti en brave, se releva, épousseta ses genoux, et convaincu désormais qu’il avait affaire à une petite personne avec laquelle il perdrait son catéchisme, il abandonna tout espoir de réussir dans une entreprise qui menaçait de tourner plutôt à sa propre damnation qu’au salut de sa pénitente.
    — Vous avez, dit-il, pardieu, bien raison. Je suis un grand nigaud de m’être mis tout cela en tête sur les doléances de l’abbé Gomart. Laissons donc le digne homme se lamenter à son aise, et convenons que la vie est douce. Je ne l’ai jamais vue si rose qu’à travers vos rideaux.  
    Ce fut au tour de Jeanne de reculer :
    — Monsieur, dit-elle, je. vous prie de parler avec plus de réserve de M. l’abbé Gomart. Si sa morale devient ridicule en passant par la bouche d’un jeune étourdi, sachez qu’elle est respectable dans la sienne, où l’âge et le caractère dont il est revêtu ne peuvent que la légitimer. N’oubliez pas, d’ailleurs, que vous parlez d’une personne de ma famille et qui a droit à tout mon respect.  
    Le reproche toucha Charles-Henry Sanson, car il était mérité ; il se sentit intérieurement quelque remords d’avoir traité si légèrement son vieil ami.
    — Mademoiselle, reprit-il, je vous assure que nul ne vénère plus que moi M. Gomart, mais les idées que j’avais apportées en entrant ici se trouvent tellement bouleversées que je ne sais plus où j’en suis. J’ai à la fois envie de rire et de pleurer. Je suis heureux de vous voir si jeune, si gaie et si belle, et cela me met la joie dans l’âme ; puis je songe à tout ce que j’ai entendu dire à votre respectable oncle et mon cœur se serre d’une tristesse inexprimable.
    — Je vous suis très-reconnaissante de tous ces chaud et froid, répondit malicieusement la jeune fille ; mais comme notre connaissance n’est que de très fraîche date et que mon oncle ne m’a jamais parlé de ses relations avec une maison du nom sous lequel vous vous êtes présenté chez moi, vous voudrez bien me permettre de rompre ici ce bel entretien et d’ajourner à une meilleure occasion la suite de nos rapports.
    — Ah ! mademoiselle Lançon, ne me traitez pas ainsi, s’exclama douloureusement mon aïeul. Sans doute ma démarche était ridicule, mais elle partait d’un grand fonds d’estime et d’attachement pour votre oncle, et d’un sentiment inexplicable que j’éprouvais pour vous avant de vous connaître. Ai-je besoin de vous dire combien ce sentiment a grandi depuis que je vous ai vue et l’empire absolu qu’il exerce maintenant sur moi. Ne me repoussez pas ! Laissez-moi être votre ami ! Qui sait si un jour mon dévouement ne sera pas à même de vous être utile.  
    — Là, dit encore en riant la jeune fille, je le prenais pour un espion de mon oncle ; le voilà qui va me proposer d’être le mien.  
    Soit que la pensée d’être, en effet, tenue ainsi au courant des résolutions de sa famille à son égard la flattât secrètement, soit que la candeur et la bonne foi de mon aïeul eussent touché le cœur très sensible de Jeanne, toujours est-il qu’elle ne l’éconduisit pas tout à fait comme elle en avait d’abord montré l’intention, elle lui permit de revenir et prit en amitié ce pauvre soupirant qui avait débuté près d’elle d’une si singulière façon.
    A partir de ce moment, Charles-Henry Sanson vit souvent Jeanne Vaubernier. Si ce livre cherchait l’intérêt dans le scandale, je pourrais insinuer qu’il partagea les bonnes grâces, dont à l’époque la jeune fille ne se montrait que trop prodigue ; mais je ne puis dire que ce que je sais, et mon grand-père ne nous a jamais parlé de cette amie de sa jeunesse, qui fut plus tard la comtesse du Barry, qu’avec attendrissement et respect. Il ne se défendait point de l’avoir aimée et d’avoir éprouvé une ardente passion pour cette beauté piquante qui devait un jour réveiller les sens éteints d’un roi blasé ; mais il ne donna jamais à entendre que cet amour eût été payé de retour. Je n’en ferai donc point, dans ces confessions de ma famille, le Jean- Jacques Rousseau d’une de Warens destinée à la couche royale, malgré l’opposition saisissante qui résulterait du contraste de pareilles amours, à l’aurore d’une existence ballottée entre le
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