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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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minorité et passait en des mains qu’on pouvait taxer d’inexpérimentées, il n’en fallait pas davantage pour nous faire disputer cet apanage de famille et donner l’éveil aux convoitises qui nous l’enviaient.
    Dès que la maladie de mon bisaïeul fut connue, et bien que, grâce à son fils, le service n’eût point souffert d’interruption, sans qu’il eût été besoin de recourir à aucune assistance étrangère, la place d’exécuteur à Paris n’en fut pas moins l’objet d’une foule de sollicitations et d’intrigues de toutes sortes.
    Il semble que Dieu n’eût accordé une si longue vie à Marthe Dubut, que pour veiller fidèlement sur la transmission de ce sanglant héritage. Ce fut encore elle qui mit à profit ses vieilles relations avec la magistrature pour assurer au petit-fils l’emploi du père et de l’aïeul. Lorsqu’elle fut obligée d’avouer l’extrême jeunesse de Charles-Henry Sanson au procureur-général, celui-ci émit le doute, facile à comprendre, qu’un adolescent de quinze ans à peine pût suffire aux exigences d’un pareil métier.
    — Rassurez-vous, monsieur le procureur- général, répondit hardiment cette singulière femme, il est grand et fort, et si vous voulez bien me permettre de vous le présenter demain, vous verrez qu’il marque bien plus que son âge et ne ferait point mauvaise figure dans la voie que lui ont tracée ses pères.  
    — Amenez-le, fit le magistrat qui, au fond, ne demandait pas mieux que de voir se perpétuer dans la même famille une pareille judicature.  
    Le lendemain, Marthe Dubut revint triomphante avec mon grand-père, dont la constitution vigoureuse et la gravité précoce satisfirent complètement le procureur-général, à qui il suffit d’un coup-d’œil pour les remarquer. Toutefois ce magistrat ne voulant rien terminer définitivement sur cet examen un peu sommaire, il se borna à autoriser, Charles-Henry Sanson à remplacer provisoirement son père, ajournant à plus tard de l’investir légalement de la survivance de l’office. Il en fut de ce provisoire comme de tout ce qui porte ce nom : il dura vingt-quatre ans, et ce ne fut qu’à la mort de Jean-Baptiste, qui eut lieu au mois d’août 1778, que mon aïeul obtint la délivrance des lettres de provision qui le nommaient exécuteur en remplacement de son père, lequel n’exerçait plus déjà depuis 1754.
    Au moment où Charles-Henry Sanson et sa grand’mère entraient dans le cabinet du procureur-général, ils se croisèrent avec deux hommes qui en sortaient. L’un était déjà presque un vieillard, mais l’autre était dans toute la force de l’âge. Ils paraissaient se retirer précipitamment, mais pas assez cependant pour qu’à travers la porte qui était restée entr’ouverte, on n’entendît la voix du procureur-général disant à un exempt de police qui sortait derrière eux :
    — Accompagnez ces hommes à leur hôtel, et, si dans deux heures ils n’ont pas quitté Paris, faites les conduire à la prison du Châtelet.
    En passant devant Marthe Dubut, les deux hommes parurent embarrassés ; mais celle-ci, qui avait d’abord tressailli en les apercevant, se remit de suite et leur lança un regard méprisant.
    — Mon enfant, dit-elle à son petit-fils, voici de mauvais parents que vous ne connaissiez point. Il sont venus ici pour vous enlever l’héritage de votre père. M’est avis qu’ils ont été mal reçus. Lorsque vous les reverrez un. jour et que je ne serai plus là, souvenez-vous de ce qu’ils voulaient vous faire.
    En effet, ces deux hommes, le père et le fils, exécuteurs dans une ville de province, nous étaient alliés par suite de cet éternel croisement des familles d’exécuteurs entre elles, et instruits de la maladie de mon bisaïeul, ils étaient accourus à Paris pour solliciter sa place. Afin d’assurer le succès de cette intrigue, ils avaient cru ne pouvoir mieux faire que d’offrir à M. le procureur-général une somme de vingt-quatre mille livres s’il leur faisait obtenir la charge. On a vu avec quel mépris ce magistrat repoussa leur tentative de corruption. Ils partirent l’oreille basse, mais fort heureux d’en être quittes à si bon marché.
    On me permettra de taire le nom de ces deux compétiteurs désappointés, en raison du lien de parenté qui nous unissait et par ménagement pour leurs descendants qui portent encore ce nom. Pourtant la même chose m’est arrivée à moi, pendant mes
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