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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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l’honneur d’être connu de votre maîtresse, il ne lui apprendra rien. Cependant, comme je n’ai aucune raison de le cacher, annoncez le chevalier de Longval.
    Cette qualification, qui donnait gain de cause à la perspicacité de la soubrette, lui parut fort agréable, car elle partit comme une flèche et revint de même, en annonçant avec le plus aimable sourire que Mademoiselle attendait Monsieur le chevalier.
    Le moment décisif était arrivé. Charles-Henry Sanson monta, non sans une vive émotion, les marches de l’escalier, et fut introduit dans une chambre où le jour ne pénétrait que tamisé par des rideaux qui en adoucissaient l’éclat ; l’air y était imprégné de parfums voluptueux ; quelques imitations de Watteau, de Boucher, de Lancret et de Nattoire décoraient le trumeau de la cheminée et les dessus de portes. Mademoiselle Jeanne était coquettement posée sur un de ces petits meubles auxquels on donnait le nom précieux de bonheur du jour, et qui étaient alors fort à la mode. A l’aspect de mon grand-père, elle lui fit un petit sourire passablement familier, et l’invita, du geste, à s’asseoir sur un meuble qui ne le cédait nullement en confortable à celui qu’elle occupait elle-même.  
    — Veuillez, monsieur le chevalier, dit-elle après qu’il se fut assis, me dire ce qui me procure l’heur de votre visite ?
    C’était précisément le difficile. Mon pauvre grand-père se trouvait dans le même embarras que maître Petit-Jean ; ce qu’il savait le moins, c’était son commencement. Comment dire, en effet, à cette jolie pécheresse qui lui montrait dans son sourire trente-deux dents à croquer toutes les pommes du Paradis terrestre, qu’il était venu là pour l’arracher des griffes de Satan et la remettre dans le chemin du salut. Il était lui-même bien jeune pour cet office d’ange gardien et de convertisseur, et il faut l’avouer, les pensées qui lui traversaient l’esprit en contemplant mademoiselle Jeanne auraient mieux fait les affaires de l’enfer que celles du ciel.
    Néanmoins il fallait en finir. Aussi se résolut-il de brusquer tous les préliminaires et d’aborder de front la difficulté, quitte à s’avouer bien vite vaincu s’il rencontrait de la résistance.
    — Mademoiselle, dit-il en poussant un gros, soupir, vous connaissez M. l’abbé Gomart ?  
    A ce nom, la jeune fille se leva tout d’une pièce. Son visage si rose et si espiègle se couvrit d’une pâleur subite ; un éclair de colère passa dans son regard, et d’une voix dont elle cherchait en vain à cacher le tremblement :
    — Qu’est-ce à dire, Monsieur. A quel titre venez-vous me parler de M. l’abbé Gomart ? Êtes-vous donc un espion qu’il a mis sur mes pas. Je vous plains si, à votre âge, vous faites déjà un pareil métier pour prendre part aux persécutions exercées contre une femme.  
    — Ah ! Mademoiselle, fit d’un ton piteux mon grand-père, cruellement affligé de ce soupçon, pourriez-vous le croire ! Je connais, il est vrai, M. l’abbé Gomart, mais ma démarche est toute spontanée. C’est parce que je l’ai souvent entendu parler de vous comme d’une nièce qu’il affectionne tendrement et que des méchants conduisent à sa perte, que je me suis mis en tête de vous découvrir, de parvenir jusqu’à vous et de me jeter à vos pieds pour vous conjurer de rentrer en vous-même, d’écouter la voix de ce digne prêtre qui vous parle avec la double autorité de l’Église et de la famille, et qui ne désire, lui, que votre bonheur en ce monde et votre félicité éternelle dans l’autre.
    Et en parlant ainsi, Charles-Henry Sanson avait joint l’action à la parole et était tombé aux pieds de Jeanne. Au commencement de cette harangue, et surtout en entendant parler de la tendresse de l’abbé Gomart pour elle, la jeune fille avait paru émue et une larme était venue mouiller sa paupière, mais à la conclusion en forme de sermon de ce beau discours, elle partit du plus bel éclat de rire qui ait jamais résonné aux oreilles d’un prédicateur fourvoyé, et, se retournant vers la soubrette cachée sous une tapisserie à demi-soulevée, et qui avait suivi du coin de l’ œ il toute cette scène :
    — Quel nigaud que ce garçon-là, dit-elle sans plus de façons.
    Je laisse à juger de l’embarras et de la stupéfaction de Charles-Henry Sanson en voyant le pauvre succès de son éloquence. Il serait peut-être resté
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