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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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propre inaction de l’été dernier, il se mit en tête de traquer celle des autres.
    — Quand l’as-tu vue ?
    — Il y a un mois. Non, plutôt trois semaines.
    — Et tu viens me voir aujourd’hui ?
    L’autre se raidit sous le reproche implicite, adopta une attitude défensive.
    — Ces choses-là, ce ne sont pas les affaires des voisins.
    — S’il frappe aussi dur que tu le dis...
    — Puis, tu reçois un salaire de Québec pour mettre ton nez dans la vie des autres. Pas moi.
    La boutade précédente allait hanter le juge de paix pendant un certain temps.
    — Je ne reçois aucun salaire de Québec. Je fais cela pour l’amour du bon Dieu.
    Son interlocuteur lui jeta un regard sceptique, avant de sortir deux dollars de sa poche.
    — Maintenant tu le sais, alors c’est à toi de bouger.
    Combien je te dois ?
    Le marchand général sortit son bloc de factures de sa poche, récupéra le bout de crayon posé sur son oreille pour gribouiller des mots et des chiffres.
    — Voilà, dit-il en tendant le bout de papier.
    L'acheteur prit sa monnaie avant de retourner affronter la tempête. Un pas se fit alors entendre dans l’escalier, une femme entra dans la grande pièce.
    Oréus, ai-je bien entendu? Il parlait de la petite Gagnon ?
    —Oui. Selon lui, elle serait menacée de mort.
    - ... Que vas-tu faire ?
    Il demeura un moment silencieux, puis dit tout bas : Demain, je dois me rendre à Québec afin de rencontrer des grossistes. Je ferai un petit crochet du côté des I mi eaux du procureur général.
    L'homme retourna s’asseoir près de la fenêtre, songeur.
    Sa femme préféra se tenir près du poêle en fonte noire un peu ventru.

    *****
    Depuis que la générosité du procureur général l’avait pourvu d’un stagiaire, le vieux chef de service Basile Moreau prenait ses aises, au point de rentrer parfois à la maison pour prendre un repas chaud à midi, puis de se livrer à une petite sieste. Mathieu Picard ne s’en formalisait pas. La récolte quotidienne de lettres lui donnait un aperçu des faiblesses, petites et grandes, de l’âme humaine. L’apprentissage du droit cédait à celui des vicissitudes de l’existence.
    Un peu après une heure, un homme au visage carré, les cheveux courts, les épaules larges, passa la tête dans l'embrasure de la porte en demandant:
    — Monsieur ?
    Le garçon leva la tête.
    — Je peux vous aider ?
    — Je cherche monsieur Moreau. J’ai frappé à sa porte, sans succès.
    — Il n’est pas encore revenu. Prenez place.
    De la main, il désigna la chaise placée de l’autre côté de la table. Il devinait avoir affaire à un paysan endimanché.
    — Que puis-je faire pour vous ?
    — Une petite fille est en danger de mort.
    Mathieu le regarda droit dans les yeux en dévissant le capuchon de son stylo à plume. Il tira une feuille de papier de la pile devant lui.
    — Expliquez-moi ce dont il s’agit. D’abord, qui êtes-vous, d’où venez-vous ?
    — Oréus Mailhot. Je suis juge de paix à Sainte-Philomène-de-Fortierville.
    —
    Je crois avoir déjà ouvert certaines de vos lettres.
    Comme l’autre arquait les sourcils de surprise, Mathieu expliqua :
    — Je travaille pour monsieur Moreau. J’ouvre le courrier, je rédige des rapports pour les substituts du procureur général...
    Mais
    dites-moi
    qui
    est
    la
    jeune
    fille
    en
    détresse ?
    — Aurore Gagnon. L’an dernier, j’ai remarqué des bleus sur ses jambes. Ses parents m’ont alors dit qu’ils devaient la corriger sévèrement, à cause de sa mauvaise attitude.
    —
    Une enfant turbulente, cela arrive. Qu’avez-vous fait?

    Le visiteur se troubla un peu. Comme il tardait à répondre, l’étudiant en droit l’encouragea :
    — Parfois, en les plaçant un moment dans un orphelinat, ou encore dans une école de réforme, les choses vont mieux.
    — En réalité, celle-là ne m’a pas semblé bien dissipée.
    Au contraire, elle paraissait timide, effacée. Surtout, elle avait un pied enflé au point d’avoir du mal à tenir debout.
    Le couple accusait des petits voisins.
    — Ce genre de chose peut survenir.
    Mathieu gardait lui-même un souvenir cuisant des méchancetés dont les enfants se rendaient coupables les uns envers les autres. Mailhot fit un geste de négation de la tête, il contempla ses doigts un instant.
    - Selon ses parents, des garçons lui auraient jeté une grosse pierre.
    — Mais vous ne les avez pas crus, devina son interlocuteur.
    Ils se regardèrent.
    — J’ai
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