Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
sévère. Le député Dubuc a posé exactement les mêmes questions au prétendant de Françoise.
    — Tu te moques de moi ?
    Elle n’osait le croire. Cela paraissait si improbable.
    — Oh ! Le bonhomme y mettait les formes, bien sûr, mais il posait exactement les mêmes questions.
    — Les formes ! Cela fait toute la différence.
    Quatre heures à rougir de honte ou à frémir de colère lui avaient mis les nerfs à vif.
    — Flavie, commença le jeune homme, j’aimerais que tu te mettes quelque chose dans la tête : je ne sors pas avec ton père, ta mère, tes frères ou ta sœur, mais avec toi.
    — Tout de même, tu as vu...
    Elle n’osa pas aller au fond de sa pensée. Mathieu profita d’un bout de chemin bien droit, éclairé par les phares et la lune sur la neige, pour tendre la main et prendre la sienne.
    — Je n’ai rien vu qui change quoi que ce soit à mon affection pour toi.
    La conduite en cette saison ne permettait pas les longs épanchements, et le climat ne l’incitait guère à chercher un coin isolé sous les arbres.
    — Ta tante est très gentille de te prêter sa voiture, dit-elle après un long silence.
    — Tu devrais venir la voir et la remercier de vive voix.
    — Cela ne se fait pas, dans une pension réservée aux hommes !
    Celle-là tenait à sa réputation comme au plus précieux des trésors.

    *****
    Le vent de février, coupant comme une lame, battait la campagne et soulevait une fine poudrerie. Assis sur un tonnelet rempli de clous placé près d’une fenêtre, Oréus Mailhot levait parfois les yeux de la copie de la veille du Soleil pour regarder la rue Principale du village de Sainte-Philomène-de-Fortierville.
    — Personne ne viendra aujourd’hui, grommela-t-il entre ses dents.
    Comme pour le contredire, une silhouette penchée vers l’avant se détacha bientôt dans la poudrerie.
    — Par ce temps, ce bonhomme ne veut certainement pas acheter un demiard de mélasse.
    Le marchand se leva pour ouvrir la porte au nouveau venu.
    — Adjutor, que fais-tu dehors aujourd’hui ?
    — Ma femme vient de découvrir qu’elle n’a plus de quoi coudre.
    Il sortit de sa poche un bout de papier tout chiffonné pour le tendre à Mailhot. Ce dernier plissa les yeux, tenta de reconnaître les quelques mots griffonnés d’une main maladroite. Pendant qu’il coupait les trois verges de cotonnade blanche
    réclamées,
    le
    client
    prononça
    d’une
    voix
    maussade :
    — J’aurais pu attendre dimanche prochain pour cela.
    De la main, il désignait son achat, puis il continua :
    — Tu es toujours juge de paix?
    — Oui. Au prix que je coûte au gouvernement, ils vont me garder encore un peu.
    L’ironie échappa au visiteur. Le marchand ne touchait aucune rémunération pour ce travail.
    — Tu t’occupes des crimes ? enchaîna l’autre.
    — Je dois entendre les dénonciations, les plaintes au sujet des mauvaises actions. S’il y a de bonnes raisons, j’avertirai Québec.
    Il marqua une pause avant de demander :
    — Tu veux dénoncer quelqu’un ?
    — Non, non, pas dénoncer. Je veux juste te parler. Tu décideras... Quelqu’un peut nous entendre?
    Mailhot secoua la tête de gauche à droite.
    — Tu te décides, ou nous restons comme cela jusqu’à Pâques. J’ai du travail, moi.
    — ... Tu connais la petite Gagnon ? La fille de Télesphore.
    La question visait à retarder le moment d’en venir au sujet de sa visite.
    — Oui, je la connais, s’impatienta Oréus.
    Un très mauvais souvenir lui traversa la tête, celui d’une fillette d’un peu moins de dix ans, blessée et absolument terrorisée.
    — Tu l’as vue récemment ?
    Il fit signe que non, puis déclara après un instant de réflexion :
    — Je ne pense pas l’avoir vue à la messe depuis l’automne dernier.
    — Moi non plus. Mais je suis allé chez eux il y a quelque temps. Elle est en train de crever.
    — Que veux-tu dire ?
    — Elle a les yeux noirs, les pieds si enflés qu’elle a du mal à tenir debout. Elle ne verra pas le prochain printemps.
    Le marchand ferma les yeux, les rouvrit bien vite pour chasser l’image se profilant dans son esprit.
    — Elle a toujours eu l’air souffreteux. Elle a passé quelques semaines dans un hôpital de Québec, l’automne dernier.
    — Tu lui ressemblerais si tu endurais tous ces coups.
    Télesphore frappe assez fort pour casser le dos d’un cheval.
    Elle est grosse comme une allumette.
    Une main serra le cœur du commerçant. Plutôt que de ressasser sa
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher