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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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elle va crever.
    Le prêtre cacha mal son agacement.
    — Les calomnies sont nombreuses dans cette paroisse.
    Cela devient une épidémie. Si chacun se mêlait de ses affaires...
    Les calomnies ou les médisances?
    Calomnier, c’était accuser quelqu’un d’une faute qu’il n’avait pas commise. Médire, c’était évoquer une faute réelle, alors que
    la charité
    chrétienne
    voulait
    que
    l’on
    garde
    le silence.
    Adjutor semble prompt à porter des accusations. Il en veut à Télesphore d’avoir dénoncé son garçon, l’été dernier.
    Une dénonciation fausse. J’ai interrogé Alfred, il n’a rien fait.
    — Il t’a peut-être menti.
    — J’ai aussi parlé à Aurore.
    Le curé se renfrogna. Il tolérait mal qu’un laïc vienne le contredire dans son presbytère. Son malaise monta d’un cran quand le visiteur ajouta :
    — Ce sont les parents qui ont fait cela. Ils ont ensuite porté cette accusation pour se couvrir. À force de la répéter, certains ont cru leur histoire. Cela ne la rend pas plus véridique.
    Le religieux lui offrit un visage sceptique.
    — La petite t’a dit ça ?
    — La petite était morte de peur, elle tenait à peine sur ses pieds. Elle a répété la leçon enseignée par sa belle-mère.
    Dans la paroisse, le prêtre tenait de son onction à la fois sa parfaite connaissance des âmes et son obligation de tenir le démon en échec. Dans cette mission, les bons pères de famille devenaient ses auxiliaires en châtiant leurs enfants.
    — Tu ne sais rien de ce qui se passe dans cette famille.
    Et moi, je ne peux rien dire.
    Après un silence, le curé Massé crut utile de préciser, prenant alors des airs de conspirateur :
    — Le secret de la confession...
    — Oh ! Ils vous racontent à vous aussi qu’elle est la plus grande pécheresse de la terre.
    Le ton traduisait une bien grande incrédulité.
    — Je ne peux parler de cela !
    Mailhot secoua la tête. Cet ancien professeur de collège paraissait enclin à croire que le démon noircissait l’âme des enfants.
    — Si quelque chose de criminel se passe dans cette maison, enchaîna le prêtre avec un sourire mauvais, c’est à toi de prendre des mesures légales. Tu es le juge de paix.
    Cette pensée hantait le visiteur. L’été précédent, il n’avait rien fait pour arrêter les mauvais traitements. Si cette histoire tournait mal...
    — Vous exercez une grande influence. Ils vous écouteraient...
    De nouveau, le reproche implicite heurta l’ecclésiastique.
    — Tu veux me dire comment faire mon travail de curé ?
    — Si vous leur disiez de cesser de lui faire du mal, ils vous obéiraient.
    — Tu deviens très présomptueux. Nous allons tous les deux prier afin de te préserver du péché d’orgueil.
    Cette conversation ne les conduirait nulle part. Lorsque le marchand amorça le geste de se lever, l’abbé Massé précisa, soudainement plus conciliant :
    — L’été dernier, ils ont fait soigner son pied. Le médecin est allé chez eux à six reprises, elle a passé un bon mois à l’Hôtel-Dieu de Québec. Cela a dû leur coûter cinquante piastres, au moins.
    Le marchand détruisit tout de suite l’illusion sur ces bonnes gens.
    — Je leur ai ordonné de la faire soigner. D’une certaine façon, ils ont agi sous la contrainte.
    Ce sont de bons parents, ils n’ont pas besoin de tes ordres pour faire leur devoir.
    Le pasteur s’inquiétait maintenant du mal que cette histoire pourrait faire à la réputation de sa paroisse et, en conséquence, à la sienne.
    Ce sont de si bons parents qu’ils vous présentent un état des dépenses faites pour elle?
    Le prêtre se troubla. Les Gagnon lui avaient donné ces détails. Cherchaient-ils à se disculper?
    Hier, continua le visiteur, je suis allé au bureau du procureur général, à Québec. Il m’a demandé d’enquêter.
    C’est ce que je ferai.
    - Personne ne sait vraiment ce qui se passe dans une famille, commenta le curé.
    - Vous le savez.
    — Le secret de la confession, répéta-t-il...
    Ce fameux secret ! Un catholique pouvait murmurer au confessionnal: «J’ai tué dix personnes déjà, je vais tuer Untel et Untel demain», et le prêtre garderait le silence.
    — Je vous ai assez dérangé, conclut Mailhot en se levant.
    Merci de m’avoir écouté.
    Le prêtre le reconduisit jusqu’à la porte, tout de même un peu troublé. Peut-être son malaise l’amènerait-il, dimanche prochain, à Convier le couple Gagnon à une conversation
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