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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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la voisine.
    — Que faites-vous ici ?
    — Je m’inquiétais pour la petite. Je suis venue il y a deux jours, et elle paraissait si mal en point...
    — Décrivez-moi son état d’alors.
    Recueillir le plus d’informations possible, amener tous ces témoins à se remémorer les événements en les répétant souvent : il ne pouvait rien faire de plus, maintenant.
    — D’abord, elle se trouvait toujours au lit, en plein avant-midi. J’ai demandé de monter la voir.
    Des yeux, elle indiquait l’escalier, dans un coin de la cuisine d’été.
    — Quand je suis arrivée en haut, elle se tenait étendue sur sa paillasse. En réalité, le sac de toile m’a paru vide, avec un seul petit drap pour se couvrir. Elle avait la tête soulevée sur un bras, les deux yeux noircis, une grande tache sur le front...
    — Une ecchymose ?
    Le sens de ce mot compliqué lui échappa.
    — Comme vous dites... Ses mains étaient tellement enflées, elles ressemblaient à des boudins, avec des doigts tout croches.
    Le juge de paix hocha la tête, pris d’un soudain dégoût.
    Son interlocutrice ne pouvait plus s’arrêter, maintenant qu’un notable acceptait de l’écouter.
    — Elle m’a dit qu’elle avait mal. J’ai demandé : « Où ? »
    Elle a répondu: «Aux genoux. »
    Mailhot posait ses yeux en alternance sur la voisine, puis sur la mère prostrée sur sa chaise, totalement absorbée par sa conversation avec son confesseur.
    Vous pouvez me dire autre chose ? Comment étaient les lieux, il y a deux jours?
    - La chambre était répugnante, avec de la paille sur le plancher, les murs tout sales. Aurore était couverte de crasse, elle puait. Sa jaquette aussi.
    L’homme hochait la tête. La cuisine d’été semblait pourtant propre, bien tenue. Selon les standards de la paroisse, les membres de cette famille paraissaient fiers de leur personne comme de leurs propriétés.
    — Quand je suis descendue, j’ai demandé à Marie-Anne si elle avait fait venir le médecin. Elle a répondu que cela coûtait trop cher. J’ai insisté un peu, elle m’a expliqué qu’elle le ferait
    pour
    ses
    propres
    enfants.
    «Celle-là
    est
    à
    mon mari», a-t-elle dit.
    — La petite, Aurore, et la plus grande, là, sont de la première femme de Télesphore?
    Des yeux, il désignait une gamine d’une douzaine d’an-nées assise dans l’escalier. Elle tenait son visage entre ses deux mains, butée, les lèvres serrées.
    — C’est Marie-Jeanne. Elle aussi est du premier lit.
    — Donc, elle n’a pas droit non plus à des soins médicaux.
    La voisine eut comme un frisson, puis elle continua la nomenclature en regardant les gamins adossés contre le mur, tout près du poêle.
    — Les deux garçons, Gérard et Georges, sont les siens.
    — Et cette grande femme en bonne santé, elle est à vous.
    Le juge avait prononcé ces mots avec un sourire narquois.
    — C’est ma bru, l’épouse de mon fils. Vous le savez.
    Ils se trouvaient donc neuf dans la petite cuisine d’été.

    La chaleur ambiante força le visiteur à retirer son manteau, ce que le curé avait déjà fait.
    — Marie-Anne Gagnon a un autre enfant, je crois ?
    — Une fille, Pauline. Elle est née l’an dernier.
    Ces mots agirent comme un déclencheur. La mère s’excusa auprès de son confesseur, alla dans la pièce voisine pour revenir avec un poupon. Modèle de maternité généreuse, elle dégrafa
    son
    corsage
    pour
    sortir
    un
    sein
    menu,
    flasque comme une outre à moitié vide. Les hommes détournèrent les yeux, essayèrent de ne pas entendre les bruits de succion.

    *****
    Le silence s’appesantissait dans la cuisine d’été. À la fin, Mailhot s’adressa au plus grand des garçons :
    — Gérard, c’est bien ton nom ? Tu sais comment t’occuper d’un cheval ? J’aimerais que tu mettes la robe de carriole sur le dos du mien. Et fais pareil avec celui du docteur.
    Comme l’enfant ouvrait de grands yeux désemparés, visiblement dépassé par la tâche, la jeune femme Auger quitta sa place à table en disant :
    — Je vais m’en occuper. Cela me permettra de prendre un peu d’air.
    Puisque le poêle dégageait une chaleur un peu étouffante et qu’aucune des personnes présentes n’était adepte du bain quotidien, l’odeur devint accablante.
    — Ouvrez la porte conduisant au salon, dit le marchand à l’intention d’Exilda Lemay. Ensuite, demandez aux voisins de venir.
    — Quels voisins ?
    — Votre mari, Alphonse Chandonnet...

    —
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