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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
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vision qu’il garda dans ses yeux fut le visage ensommeillé et radieux de Pouriquète, niché dans ses longs cheveux dénoués.  
    A la Maison du Port, tout le monde était déjà levé, mais on ne lui fit aucune remarque sur son apparition tardive. Les adieux furent rapides, comme s’il ne s’agissait que d’un embarquement de routine. Son père, qui était déjà sur le pont de l’ Aurore, lui fit un geste du bras. Seule sa mère descendit jusqu’au quai, accompagnée de Guitoun.  
    — Reviens vite, Bernard, dit-elle. Quand le repas de mariage est sur le feu, il ne faut pas le laisser refroidir !  
    En quelques coups de rames, Guitoun amena la plate jusqu’au Phébus où le patron Escarguel était déjà prêt à appareiller.  
    — Si tu as le temps à Bordeaux, dit-il, va voir Lanusquet à l’atelier de forge de Bacalan. Il sera heureux d’apprendre la nouvelle.  
    Il gelait dur sous un ciel sans nuages et le courant était fort. Glissant, rapide et clair comme une lame d’argent, entre les deux rives, il les mena à Bordeaux en trois marées.  
    — Je te laisse aux Salinières, dit Escarguel. Tu n’auras que quelques pas à faire pour aller au bureau de la Marine.  
    Le prochain transport pour Rochefort ne partait que le surlendemain, 18 Germinal. Hazembat alla poser son sac à l' auberge de Tastet, rue Notre-Dame. Le Quai des Chartrons n’était pas loin et il alla s’y promener. Les volets de la maison des O’Quin étaient ouverts. Il monta jusqu’aux bureaux de l’entresol où, huit ans plus tôt, il avait été accueilli avec Caprouil Montaudon par un vieux commis peu affable. Cette fois, ce fut un jeune homme à l’accent étranger qui le reçut.  
    — La maison O’Quin ? Elle n’existe plus. Les O’Quin se sont retirés du négoce.  
    — Vous ne savez pas si M. Claude O’Quin est à Bordeaux ?  
    — M. Claude ?… C’est le fils de M. Antoine Patrice, n’est-ce pas ? Je pense que vous le trouverez rue du Couvent, tout près d’ici. On m’a dit qu’il avait ouvert une boutique de librairie.  
    O’Quin n’avait pas changé et portait beau sa quarantaine, tiré à quatre épingles dans un habit gris-bleu haut croisé sur la poitrine. La seule nouveauté était la paire de bésicles à travers lesquelles ses yeux clairs examinaient malicieusement Hazembat.  
    — Eh bien, matelot ? Es-tu revenu de tes émois avec Suzanne Thilonier ? Tu sais qu’elle a fini par entrer au couvent ? Je vois que, de ton côté, tu es entré dans la marine de la République. Y trouves-tu au moins des satisfactions ?  
    Etourdi par le flot de paroles, Hazembat retrouvait la fascination qu’avait toujours exercée sur lui le personnage de Claude O’Quin. Il s’y mêlait une sorte de tendresse qui remontait au temps de son enfance, quand le citoyen Coquin l’avait accueilli à bord de la barge du patron Roumégous, lors de l’expédition de Montauban, en 1790.  
    — Quand êtes-vous rentré en France ? demanda-t-il.  
    — En 1797. Mon père est mort cette année-là et ma mère l’année suivante. La gloire des O’Quin est bien passée. Mon oncle Jean Valentin vit retiré dans sa propriété de Talence et son fils Antoine Patrice, faute de servir dans les armées du Roi, a trouvé, comme toi, de l’emploi dans la marine du Premier Consul.  
    Ils causèrent du passé jusqu’au moment où vint l’heure de fermer boutique. Claude O’Quin tint à partager le repas d’Hazembat à l’auberge de Tastet. Tard dans la nuit, ils discutèrent autour d’une bouteille.  
    — La guerre durera plus longtemps qu’on ne croit, dit O’Quin, peut-être quatre ou cinq ans encore. Les Anglais accepteraient volontiers en France une petite république, mais je ne crois pas qu’ils s’accommodent jamais des ambitions de Bonaparte. Tu auras tout le temps de monter en grade. Mais as-tu songé à ce que tu feras ensuite ?  
    — Je m’établirai à Langon et je reprendrai la navigation sur la Garonne.  
    — Tu vaux mieux que ça. A ta place, je passerais mes examens de lieutenant au commerce. C’est le genre de vie qui est fait pour toi.  
    — Je viens de me fiancer à Langon. Je veux m’y marier.  
    — Te marier ? Quelle étrange idée ! Elle ne m’est jamais venue. Crois-moi, Hazembat, tu ne seras jamais l’homme d’une seule femme !  
    La pensée lui trotta par la tête toute la nuit. Pouriquète était la seule qu’il aimait, c’était
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