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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
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mais le nom d’Angel Labat devait avoir du poids car, tout en rechignant, il accepta.  
    — Tu te trouves un coin sur le tillac d’avant et tu n’en bouges plus. Il n’y a pas tant de place pour la manœuvre.  
    — Je peux aider, patron ! J’ai fait mon apprentissage sur un courau de Langon et je suis timonier breveté.  
    — Si on a besoin de toi, on te le dira.  
    On en eut besoin le deuxième jour, en aval de Moissac. Une tempête d’ouest s’était levée pendant la nuit et des rafales de pluie glaciale balayaient le pont. Soudain, une bourrasque tournoyante s’abattit sur le fleuve avec un vent qui devait dépasser quarante nœuds. La voile fut arrachée et le courau embarda par tribord malgré les efforts d’Escarguel pour le redresser. Les quatre hommes d’équipage, des vieux plus ou moins éclopés, coururent à l’arrière pour l’aider à tenir le gobern, mais l’embarcation, prise dans les tourbillons, dérivait inexorablement vers les falaises de la rive droite. D’un bond, Hazembat se leva et saisit le picon de douze pieds qui reposait sur le tillac, puis l’engagea en force dans le tolet de proue. Pesant de toutes ses forces sur la lourde rame, il se mit à scier à contre. Aveuglé par les rafales de pluie, il ne se rendit d’abord pas compte de l’effet de sa tentative. Les courtes lames soulevées par le vent se brisaient sous la poussée du courant et créaient des remous qui faisaient varier de manière imprévisible la résistance de l’eau. Puis il sentit le courau répondre au gouvernail et se mettre face au vent. Les hommes d’équipage avaient sorti les avirons et souquaient. La berge était à peine éloignée de quinze toises, mais la proue commençait à s’en éloigner. Au bout d’une demi-heure d’efforts, quand le vent mollit, le courau était au milieu de la rivière, bien assis sur sa route.  
    Le soir, à l’auberge d’Agen, Escarguel remercia Hazembat.  
    — Il ne faut pas m’en vouloir si je t’ai mal accueilli. En général, nous n’aimons guère les amis de Labat. C’est tout putassiers d’aristos et pique-sous de gros fabricants. Mais toi, tu es un homme de la rivière, ça se voit.  
    — Labat aussi était marin de courau.  
    — Alors, il a bien changé. Nous sommes obligés de lui obéir parce qu’il nous fait vivre avec son frêt, m ais il n’est pas des nôtres.  
    De fil en aiguille, on en vint à parler de Langon.  
    — On ne voit plus guère de Langonnais sur la haute rivière, maintenant. Le seul qui monte quelquefois, c’est Caprouil Montaudon.  
    — C’est lui qui m’a appris le métier.  
    — Tu as été à bonne école. Ecoute, si nous ne perdons pas trop de temps, je m’arrangerai pour coucher à Langon. Tu dois avoir une bonne amie, là-bas ?  
    — Oui.  
    — Elle ne sera pas fâchée de voir son matelot, et toi non plus, je suppose.  
    Passé Aiguillon, le vent tourna à l’est et le temps se mit au froid. Le matin, le pont était glissant de givre. Tous les hommes eurent la même pensée pour les vergers et les vignes qui s’étendaient à perte de vue sur la rive droite.  
    — La fleur est sortie, dit Escarguel. S’il gèle maintenant, ce sera la catastrophe.  
    Sous un ciel très bleu, la température monta pendant la journée. Il semblait à Hazembat que le paysage de son enfance se mettait en beauté pour l’accueillir. La Réole, Saint-Macaire souriaient de toutes leurs pierres dorées sur leurs falaises. Les rejetons neufs de vimes, sur la rive gauche, avaient des reflets d’un violet éclatant. Puis, le dernier coude franchi, Langon apparut, toits bruns et façades claires tracés en lignes nettes dans une lumière transparente. De loin, Hazembat reconnut le bordage rouge et vert de l’ Aurore, au mouillage devant le Grand Port.  
    Ils débarquèrent à l’heure de la soupe et il n’y avait personne sur le quai. Tandis que les matelots se dirigeaient vers l’auberge de Poudiot, Escarguel et Hazembat franchirent la porte charretière de la Maison du Port et gravirent le grand escalier de pierre.  
    Quand Hazembat poussa la porte, tout le monde leva la tête et il y eut un grand silence, puis Hazembate lâcha son écuelle de bois qui rebondit sur le plancher et se jeta à son cou.  
    —  Bernard, mon petiot ! Ne t’esperàvam pas ! N’avè-vam pas navèras de tu !  
    Elle n’avait pas changé. Il la serra longuement dans ses bras, puis alla embrasser tante
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