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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
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parler le premier.  
    — Capulet, dit-il, j’aurais été content que Pouriquète épouse Jantet et entre dans notre famille. Ce n’est pas souvent qu’on trouve une bru si jolie et si vaillante. Mais c’est le fils d’Hazembat qu’elle a choisi et c’est un peu comme si elle restait dans la famille. Nous t’avons demandé de venir ce soir pour nous dire si tu es d’accord.  
    Faisant une sorte de moue, Dubernet leva son verre et mira le vin doré par transparence.  
    — Ecoute, Perrot, dit-il enfin, je n’ai rien contre les Hazembat et je sais ce que je leur dois, mais toute ma vie j’ai trimé pour que mes enfants aient de quoi quand j’aurai disparu. Si j’ai été pour la Révolution, c’est qu’elle garantissait à chacun son dû. Je ne suis pas très riche, mais Pouriquète aura sa part. Il me paraît juste que son mari apporte la sienne. Du temps du vieil Arnaud Paynaud, Hazembat avait des espérances, mais tout a été volé ou confisqué quand il a émigré. Il n’y a pas un arpent de terre, pas une bicoque, pas même un courau !  
    — Si c’est ce qui te gêne, Capulet, je vais te dire une chose : je donne l’ Aurore à mon camarade Hazembat. Il y a assez bourlingué pour la considérer comme sienne. Le courau n’est pas jeune, mais il tiendra l’eau encore des années. Maintenant, tu ne peux pas dire qu’il n’y a pas de bien dans la famille.  
    Dubernet hocha la tête.  
    — Un courau, ce n’est guère par les temps qui courent. Le trafic va plutôt mal.  
    — S’il va mal, toi non plus, tu ne gagneras pas beaucoup de sous.  
    Il y eut un long silence. Tout le monde regardait Capulet qui, les sourcils froncés, humait son verre. Il soupira, puis dit sans lever les yeux :  
    — J’avais une autre idée pour Pouriquète mais, puisque tu donnes un courau, je puis lui donner la Désirée…  
    —  C’est une vieille coque percée ! se récria Perrot. On ne peut plus rien en faire que du bois à brûler ! Sois honnête, Capulet : c’est la maison de la rue Saint-Gervais que tu réservais à Pouriquète !  
    — Une maison contre un courau…  
    — Père, dit Castagne, tu sais bien que ni moi ni Capsus n’avons besoin de la maison !  
    —  Taise-te, mainada ! Si les femmes s’en mêlent, où allons-nous ?… Bon, va pour la maison, mais j’en garderai l’usufruit.  
    — Personne ne songe à te mettre dehors, couillon ! dit Perrot. Maintenant, c’est à Hazembat de parler.  
    — Je te remercie, Perrot, de me donner l’ Aurore. Je l’accepte de grand cœur, car elle fait partie de ma vie. A mon tour, je la donne à Bernard. Il aura toujours là de quoi faire vivre sa femme honnêtement.  
    — Accord conclu ! On trinque !  
    Le sauternes d’Iquem s’épanouit glorieusement dans les palais. Tandis que Bernard et Pouriquète s’embrassaient, l’abbé Lafargue fit un discret signe de croix et dit une prière silencieuse.  
    Tard, cette nuit-là, quand tout le monde fut retiré, Bernard descendit le grand escalier, entrebâilla la porte charretière et, par la rue de la Brèche et le chemin des vignes, gagna le jardin des Dubernet. Il vit de loin la petite lumière qui clignotait à une fenêtre. Il eut tôt fait d’escalader la treille. Dans l’obscurité de la chambre, il arracha ses vêtements et, à tâtons, se dirigea vers le lit. Sans un mot, ils s’étreignirent avec violence, atteignant ensemble en quelques secondes un plaisir inouï.  
    — Bernard, mon Bernard, souffla Pouriquète, j’ai tant attendu !  
    Leur désir n’avait pas de fin et, chaque fois, l’étreinte les faisait parvenir à de nouveaux sommets de jouissance. A un moment, Pouriquète cria si fort qu’ils s’arrêtèrent, interdits et inquiets. Une porte grinça, des pas feutrés firent gémir le plancher du couloir et, derrière la porte, la voix de Capulet demanda :  
    — Ça ne va pas, Pouriquète ?  
    — Ce n’est rien, père, juste un rêve… un beau rêve, ajouta-t-elle à voix basse.  
    — C’est d’avoir trop bu de sauternes. Veux-tu que Castagne te prépare une tisane ?  
    — Non, merci, père, je vais me rendormir.  
    Ils s’endormirent en effet si bien que le jour pointait quand Bernard se réveilla. C’est à peine s’il lui restait le temps de rejoindre le courau d’Escarguel.  
    En hâte, ils s’embrassèrent une dernière fois, puis il courut à la fenêtre et, comme il l’enjambait, la dernière
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