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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite
Autoren: Louise Chevrier
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s’étendait chez les Lareau, les Ménard, les Lagus, les Robert, aussi bien dire dans toutes les vieilles familles de la seigneurie de Chambly.
    Et aujourd’hui, dans la grande cour du manoir des Rouville, ces bonnes gens se retrouveraient pour discuter du prix du blé, de la politique, du bel été qui avait donné de bonnes récoltes tout en s’échangeant les dernières nouvelles : les naissances { profusion, le décès d’un aïeul ou la mort d’un petit dernier emporté par une diphtérie. Marguerite les imaginait déj{, riant de bon cœur ou chantant { l’unisson, poursuivant ces retrouvailles familiales dans un joyeux brouhaha jusqu’{ la nuit tombée.
    Satisfaite, la jeune fille fit un tour sur elle-même pour s’admirer dans un petit miroir placé en coin sur la commode déglinguée héritée de sa grand-mère, que les vieux du village appelaient encore «l’Indienne», lorsqu’ils évoquaient Madeleine Sachet, la mère de Victoire. Marguerite se remémora un instant sa grand-mère défunte qui parfois lui faisait peur, enfant, lorsqu’elle invectivait sa fille en algonquin. Les deux femmes se disputaient souvent. Cependant, c’était grand-mère Sachet qui avait appris à la fillette à tresser la paille ou encore à orner de piquants de porc-épic des vêtements, des ceintures ou des coffrets lorsqu’elle était dans ses bons jours. Souvent, la vieille marmonnait des mots incompréhensibles, mais Marguerite avait aimé ces moments privilégiés, et malgré son caractère irascible, l’aïeule lui manquait. Depuis sa mort, la jeune paysanne n’entendait plus parler l’algonquin ou l’abénaquis, ces langues qu’on disait sauvages.
    Absorbée par ses préparatifs, Marguerite ignorait l’habituelle agitation de la cour qui montait { l’étage de la vieille maison jusqu’{ la petite pièce cloisonnée où se trouvait la paillasse d’un lit qu’elle partageait avec sa jeune sœur Marie.
    Justement, Mémé Lareau houspillait sa cadette.
    — Aide-moi à attacher mon tablier, fainéante ! maugréait-elle, croyant comme toujours que les enfants étaient à son service.
    Dehors fusaient les cris et les rires des chamailleries des enfants. Poules et chapons caquetaient furieusement tandis que Joseph et Louis tentaient de les enfermer dans de grossières cages de bois qu’ils plaçaient ensuite dans une charrette dans laquelle s’entassaient plusieurs sacs de grains.
    Blé et volailles constituaient le principal des cens et rentes qui se payaient en nature. Le fils aîné des Lareau, Noël, qui avait revêtu son habit du dimanche, attelait la jument.
    Godefroi courait après un volatile qui venait de lui échapper pendant que Victoire, la petite Esther bien coincée sur sa hanche droite, appelait de la cuisine.
    — Sainte bénite ! Dépêche-toi, Marguerite, il est temps !
    Le soleil est déjà haut et si tu ne descends pas tout de suite, le père partira sans toi.
    — C’est vrai qu’il y a plus d’une lieue* d’ici au village, fit François Lareau qui venait d’entrer pour dire adieu à sa femme. Comme la charrette est chargée, ça prendra une bonne heure avant d’arriver chez monsieur Potts.
    — J’arrive, s’écria au même moment la jeune fille en dévalant l’escalier.
    Victoire inspecta la tenue de sa fille d’une moue désapprobatrice.
    T'étais pas obligée de t’endimancher tant que ça, lui reprocha-t-elle en remarquant la jupe de laine légère et les soulliers français, autre cadeau d’une cousine Boileau.
    Marguerite fit la sourde oreille aux remontrances mater-neIles et grimpa vivement dans la charrette en faisant voler ses jupons.
    Je vous promets de faire bien attention à mes belles hardes, mère, la rassura la jeune fille. Même si on est en novembre, ce sera bien sec au village. Il fait si beau !
    Enfin, le père s’empara des rênes du cheval et la charrette, lourde de de son chargement, s’ébranla sur le chemin cahoteux de la Petite Rivière. Assise près de son père, Marguerite contenait difficilement son excitation. L’air frisquet du début de la matinée pinçait ses joues roses. Le soleil timide du petit matin jouait de sa lumière mordorée dans les rares feuilles rouges et ocre encore accrochées aux grands ormes, aux frênes et aux érables qui bordaient le chemin. Son frère avait pris place sur les sacs de grains, près des volailles qui protes-taient toujours. On devinait chez Noël la carrure de l’homme en devenir : aussi blond que
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