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Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Titel: Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
Autoren: Max Gallo
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vivre.
    D’un geste, il demande qu’on l’installe dans son fauteuil à roulettes et qu’on le pousse jusqu’aux appartements de Mme de Maintenon.
    Il veut entendre ses vingt-quatre violons. Il veut être parmi les dames qui jouent aux cartes.
    Et tout à coup, il ne voit plus les visages, les candélabres, la nuit vient et avec elle les tourments, les souffrances. Il geint.
    Il sent qu’on le soulève, le pose sur son lit.
    Il y a tous ces murmures.
    Puis le silence.
     
    Il entend des chuchotements.
    Il aperçoit des silhouettes.
    Il comprend que les médecins, les apothicaires ont dormi dans l’antichambre.
    Combien la nuit a-t-elle duré ?
    Il vent entendre ses violons.
    Il les voit entrer dans la chambre, commencer à jouer. Et il s’enfonce dans la musique qui a accompagné toute sa vie.
    Il ne veut plus suivre la succession des jours. Les heures forment une chaîne continue, jour, nuit, douleur violente ou apaisée.
    Tout à coup il se souvient.
    Il devait passer en revue les compagnies de gendarmes et de chevau-légers, et il ne peut bouger. Il ne veut pas se présenter, lui Louis le Grand, sur un fauteuil d’impotent, en robe de chambre.
    Que le duc du Maine préside le défilé.
    Il a l’impression que cette décision le fait surgir de la nuit. Il reconnaît le maréchal de Villars.
    — Vous me voyez bien mal, monsieur le maréchal.
    — Il n’est pas étonnant que Votre Majesté, accoutumée à beaucoup d’exercice, se croie mal par une incommodité qui l’empêche d’en faire.
    Il secoue la tête, si lourde :
    — Non, murmure-t-il, je sens dans ma jambe de très grandes douleurs.
     
    Il ferme les yeux.
    Combien de temps ?
    Il reconnaît la voix de Fagon. Il entrouvre les yeux, mais le visage du médecin est masqué par un voile gris.
    On est le vendredi 23 août, dit Fagon.
    Il répète que la sciatique de Sa Majesté doit s’atténuer sous l’effet du traitement au quinquina et du lait d’ânesse.
    Il voit derrière Fagon d’autres silhouettes noires, celles sans doute des médecins que Fagon a dû appeler en consultation.
    Il ferme les yeux.
    Que peuvent les médecins quand la mort a choisi un corps et qu’elle y creuse sa sape ?
    Il voudrait ne pas entendre cette voix, qui murmure : « Après ton fils, tes petits-fils, tes arrière-petits-fils, c’est ton tour, et tu le sais. »
    Mais il ne veut pas abandonner.
    Il veut ce samedi 24 août réunir le Conseil, souper devant les courtisans qui se tiennent debout, dans le fond de la chambre.
    Et brusquement cette douleur plus vive, cette pénombre qui éteint toutes les bougies. Et la voix altérée de Fagon qui dit qu’il faut interrompre le traitement au quinquina, et cesser de faire boire au roi du lait d’ânesse, car des stries noires sont apparues sur la jambe.
    Il comprend ce mot, qu’on chuchote et qu’on répète : gangrène.
    Voilà le nom de sa mort.
    Il veut voir son confesseur.
    Il murmure : « Quand j’étais roi…»
     
    Il ne peut maîtriser les sursauts de son corps, tant la douleur dans la jambe est atroce.
    Il est tout entier une chair qui pourrit.
    Et c’est la Saint-Louis, ce dimanche 25 août.
    Il veut qu’on fasse avancer les tambours sous le balcon, parce qu’il désire entendre encore les musiques martiales de la vie.
    Et que les violons et les hautbois entrent dans l’antichambre et qu’ils jouent pendant son dîner.
    Car il veut écouter vibrer les cordes et souffler l’air de la vie, pendant qu’il dîne.
    S’il entend ces musiques, s’il mange, c’est que la mort est contenue.
     
    Et tout à coup la nuit.
    Puis peu à peu les sons reviennent, comme si la mort venait de lui rappeler qu’elle choisira à sa guise le moment. Il ne doit pas se laisser surprendre. Il veut recevoir l’extrême-onction, les derniers sacrements, vite, en ce jour de la Saint-Louis, avant que la nuit ne l’engloutisse.
    Il reconnaît le cardinal de Rohan, grand aumônier de France. Il porte Notre-Seigneur.
    Derrière lui, un curé, chargé des saintes huiles, puis les princes du sang, tous ces visages qui vont s’estomper.
    Il entend la voix qui dit :
    — Voici un sacrement qui a la vertu de nous soulager dans les maladies du corps et de nous en délivrer même lorsqu’il est expédient pour notre salut, mais il a été principalement institué pour soulager notre âme dans ses infirmités et pour la guérir des blessures que le péché lui a faites et qui restent encore après qu’il est
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