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Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Titel: Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
Autoren: Max Gallo
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effacé.
    Il voit ce crucifix qu’on approche de ses lèvres.
    Il murmure les petits mots de sa grande foi, Credo, Amen .
     
    A-t-il dormi ? A-t-il perdu conscience comme dans une avant-mort ?
    Il sait seulement qu’il va mourir et qu’il lui faut utiliser ses derniers moments – quelques minutes, quelques heures, un jour, peut-être plus – pour dire les derniers mots de sa vie à ceux qui vont lui survivre, gouverner et servir ce royaume qui fut le sien.
    Il ne peut plus penser : « ce royaume qui est le mien ».
    Il ne dit plus qu’il veut voir le dauphin, mais qu’il veut parler au roi, cet arrière-petit-fils de cinq ans et demi qui va lui succéder.
     
    Il demande à l’enfant de s’approcher.
    Il ne peut détacher ses yeux de ce visage rond, de cette petite bouche si bien dessinée, de cette peau lisse que la vie n’a pas encore ridée, de ce regard noir et vif qu’aucune désillusion, qu’aucune épreuve n’a encore terni.
    Entre cet enfant et lui, il y a cet abîme profond de près de soixante-douze années.
    Il faut le mettre en garde, lui montrer les précipices où il peut tomber.
    — Mignon, commence-t-il, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d’être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples.
    Il reprend difficilement son souffle, s’efforce de parler plus fort :
    — Il faut pour cela que vous évitiez autant que vous le pourrez de faire la guerre : c’est la ruine des peuples. J’ai trop aimé la guerre. Ne m’imitez pas en cela, non plus que dans le goût que j’ai eu pour les bâtiments, et les trop grandes dépenses que j’ai faites. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela. J’ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l’ai soutenue par vanité. Ne m’imitez pas mais soyez un prince pacifique et que votre principale application soit de soulager vos sujets. Profitez de la bonne éducation que Mme la duchesse de Ventadour vous donne, et suivez aussi pour bien servir Dieu les conseils du père Le Tellier que je vous donne pour confesseur.
    Il est au bord des sanglots, et il voit les yeux de l’enfant se remplir de larmes. Il tourne la tête, fixe Mme de Ventadour, se souvient que cette dame a sauvé le dauphin en écartant de l’enfant les médecins.
    — Pour vous, madame, j’ai bien des remerciements à vous faire du soin avec lequel vous élevez cet enfant et de la tendre amitié que vous avez pour lui. Je vous prie de la lui continuer et je l’exhorte à vous donner toutes les marques possibles de sa reconnaissance.
    Il se redresse, invite le dauphin à s’approcher et il l’embrasse deux fois et en pleurant lui donne sa bénédiction, puis il se laisse retomber, en larmes.
    Mais il doit encore parler au duc du Maine, au comte de Toulouse, au duc d’Orléans, et à tous ces gentilshommes, ces courtisans, ces officiers qui se pressent dans la ruelle et contre la balustrade.
    Il faut qu’il trouve l’énergie de s’adresser à eux, afin qu’ils voient, une dernière fois, même si sa voix est faible, Louis le Grand.
    — Messieurs, je suis content de vos services, dit-il.
    On s’approche du lit, on l’entoure.
    — Vous m’avez fidèlement servi et avec envie de me plaire. Je suis fâché de ne vous avoir pas mieux récompensés que j’ai fait ; les derniers temps ne l’ont pas permis. Je vous quitte avec regret. Servez le dauphin avec la même affection que vous m’avez servi. C’est un enfant de cinq ans qui peut essuyer bien des traverses car je me souviens d’en avoir beaucoup essuyé pendant mon jeune âge.
    Il s’interrompt, surmonte la douleur qui lui écrase la poitrine et étouffe sa voix, puis reprend :
    — Je m’en vais mais l’État demeurera toujours. Soyez-y fidèlement attachés et que votre exemple en soit un pour tous mes autres sujets. Soyez tous unis et d’accord ; c’est l’union et la force d’un État, et suivez les ordres que mon neveu Philippe d’Orléans, futur régent, vous donnera. Il va gouverner le royaume, j’espère qu’il le fera bien. J’espère aussi que vous ferez votre devoir et que vous vous souviendrez quelquefois de moi.
    Il ferme les yeux, et il entend leurs sanglots.
    Il voudrait leur parler encore, mais il ne peut plus que murmurer qu’il veut voir le duc d’Orléans et le maréchal de Villeroi.
    Il faut un nouvel effort, plus douloureux encore :
    — Je vous ai conservé tous les droits que vous
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