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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang
Autoren: Harry Sidebottom
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dieux.
    Ballista pensa à Rán – la sinistre déesse de la mer de la mythologie nordique – et à son filet qui lui servait à repêcher les noyés, puis il décida que les choses allaient bien assez mal comme ça.
    — Y a-t-il des îles au nord où nous pourrions nous abriter du vent ? cria-t-il.
    — Si la tempête nous pousse assez loin au nord, et si nous n’avons pas rejoint Neptune avant, il y a bien les îles de Diomède [13] . Mais… vu les circonstances… nous ferions mieux de ne pas y aller.
    Demetrius se mit à hurler. Ses yeux sombres luisaient de terreur, ses paroles étaient à peine compréhensibles.
    — … Des bêtises. Un Grec… emporté au large… îles inconnues de tous, pleines de satyres, des queues de chevaux sortant de leurs culs, des bites énormes… leur jeta une esclave… la violèrent encore et encore… leur seul moyen de s’échapper… jura qu’il disait vrai.
    — Qui sait ce qui est vrai, cria le capitaine qui s’en fut vers l’avant.
    À l’aube, trois jours après avoir essuyé la tempête et avec deux jours de retard, la trirème impériale Concordia passa le promontoire et entra dans le petit port semi-circulaire de Kassiopi [14] sur l’île de Corcyra. La mer reflétait le bleu parfait du ciel méditerranéen. Les restes de la brise nocturne venant du large leur caressaient le visage.
    — Votre voyage n’a pas bien commencé, Dominus, dit le capitaine.
    — Les choses auraient été bien pires sans votre sens de la navigation, à toi et ton équipage, répondit Ballista.
    D’un hochement de tête, le capitaine prit note du compliment. C’était peut-être un Barbare, mais ce Dux avait de bonnes manières. Et ce n’était pas un lâche non plus. Il s’était comporté de façon exemplaire pendant la tempête. Par moments, il avait même semblé s’amuser, souriant comme un dément.
    — Le navire a beaucoup souffert. Je crains qu’il nous faille au moins quatre jours avant de pouvoir reprendre la mer.
    — On n’y peut rien, dit Ballista. Lorsqu’on l’aura réparé, combien de temps nous faudra-t-il pour rejoindre la Syrie ?
    — Caboter le long de la côte Ouest de la Grèce, traverser la mer Égée en passant par Délos, prendre la haute mer de Rhodes à Chypre, puis encore la haute mer de Chypre jusqu’en Syrie… (Le capitaine fronça les sourcils.) À cette époque de l’année… (Son visage s’éclaira.) Si le temps est beau, si nous ne souffrons aucune avarie et que les hommes restent en bonne santé et si nous ne mouillons jamais plus d’une journée dans un endroit, je vous emmènerai en Syrie en tout juste vingt jours, vous y serez à la mi-octobre.
    — C’est souvent qu’un voyage en mer se passe aussi bien ? demanda Ballista.
    — J’ai franchi le cap Tainaron [15] plus de cinquante fois et, jusqu’à maintenant, ça n’est jamais arrivé…
    Ballista éclata de rire ; il se tourna vers Mamurra :
    —  Prœfectus, rassemble les hommes ; qu’ils prennent leurs quartiers dans le relais de poste du cursus publicus [16] . C’est en haut de cette colline, quelque part sur la gauche. Il te faudra le diploma, le sauf-conduit. Emmène mon valet avec toi.
    — Bien, Dominus.
    —  Demetrius, viens avec moi.
    Sans qu’on le lui ordonne, son garde du corps Maximus, emboîta aussi le pas de Ballista. Ils ne dirent rien, mais échangèrent un sourire contrit. Il fallait avant tout rendre visite aux blessés.
    Par bonheur, personne n’avait été tué ou n’était passé par-dessus bord. Les huit blessés étaient allongés sur le pont à l’avant du navire : cinq rameurs, deux matelots et un membre de la suite de Ballista, un messager. Tous souffraient de fractures diverses. On avait déjà envoyé chercher un médecin.
    La visite de Ballista était une visite de courtoisie. Quelques mots échangés avec chacun des blessés, quelques piécettes, et elle prit fin. C’était nécessaire, il devait se rendre en Syrie avec cet équipage.
    Ballista s’étira et bailla. Depuis que la tempête avait éclaté cette nuit-là, on n’avait guère pu dormir. Il regarda autour de lui, plissant les yeux dans le radieux soleil matinal. Les cimes des montagnes ocre et pelées de l’Épire se découpaient distinctement dans le ciel, à deux ou trois milles, par-delà le détroit [17] . Il passa sa main sur sa barbe de quatre jours et dans ses cheveux raides de sel, dressés sur sa tête. Il savait que son apparence évoquait
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