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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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que
Palacios, alerté par les coups de feu, accourait au secours de son chef. Avant
que Carax ait pu arracher le couteau à Fumero, Palacios entra dans la
bibliothèque en pointant son arme.
    – Arrière
! prévint-il.
    Il lança
un rapide coup d'œil à Fumero qui se relevait avec effort, puis nous observa,
moi d'abord, Carax ensuite. Je perçus de l’horreur et de l'hésitation dans ce
regard.
    – J'ai
dit : arrière !
    Carax
s'arrêta et recula. Palacios continuait à nous observer froidement, en essayant
de trouver une issue à la situation. Ses yeux se posèrent sur moi.
    – Toi, va-t'en.
Ça ne te concerne pas. File.
    J'hésitai
un instant Carax me fît un signe affirmatif.
    – Personne
ne partira d'ici aboya Fumero. Palacios, donnez-moi votre revolver.
    Palacios
resta silencieux.
    —Palacios !
répéta Fumero, en tendant sa main ensanglantée pour saisir l'arme.
    —Non,
murmura Palacios, dents serrées.
    Les yeux
déments de Fumero se remplirent de mépris et de fureur. Il arracha l'arme et,
d'une poussée, écarta Palacios. J'échangeai un regard avec ce dernier et sus ce qui
allait se passer.
Fumero leva lentement l’arme. Sa main tremblait et le revolver brillait, rouge
de sang. Carax recula pas à pas vers l'ombre, mais il n'avait aucun e échappatoire. Le canon du revolver le suivait. Les muscles de mon
corps se crispèrent de rage. Le rictus de mort de Fumero, transporté par la
folie et la haine, me réveilla comme une gifle. Palacios me regardait, en faisant non de la tête. Je l'ignorai.
Carax s'était dé jà résigné, immobile au milieu de la pièce, attendant la balle.
    Fumero ne me vit pas. Il n'en eut pas le temps. Pour lui, seuls
existaient Carax et cette main sanglante qui étreignait le revolver. D'un bond,
je me jetai sur lui. Je sentis que mes pieds quittaient le sol, mais ils ne
reprirent pas contact avec lui. Le monde entier s'était figé dans l'air. Le
fracas du coup de feu m'arriva de très loin, comme l'écho d'un orage. Je ne
sentis pas de douleur. La balle me traversa les côtes. Aveuglé par le choc,
j'eus l'impression qu'une barre de métal me propulsait dans le vide quelques
mètres plus loin, puis me précipitait à terre. Je ne sentis pas la chute, mais
il me sembla que les murs se rapprochaient et que le toit descendait à toute
vitesse comme s'il voulait m'écraser.
    Une main me souleva la nuque et j'aperçus le visage de Julián Carax
penché sur moi. Dans ma vision, Carax apparaissait exactement tel que je
l'avais imaginé, comme si les flammes ne lui avaient jamais dévoré la face. Je
lus l'horreur dans son regard, sans comprendre. Je vis qu'il posait la main sur
ma poitrine et me demandai ce qu'était le liquide fumant qui sourdait entre ses
doigts. Ce fut alors qu'une brûlure terrible, comme un souffle embrasé, me
dévora les entrailles. Un cri voulut s'échapper de mes lèvres, mais il
s'éteignit, noyé dans le sang chaud. Je reconnus le visage de Palacios près de
moi, décomposé par le remords. Je levai les yeux et, soudain,
je la vis. En silence, Bea avançait lentement dans la bibliothèque, les traits
ravagés par l’épouvante, ses mains tremblantes posées sur ses lèvres. Tout son
corps semblait dire non. Je voulus la prévenir, mais un froid mordant me
parcourait les bras et les jambes, s’ouvrant un chemin à coups de poignard.
    Fumero
était tapi derrière la porte. Bea ne s'était pas rendu compte de sa présence.
Quand Carax se redressa d'un bond et que Bea se retourna, alertée, le revolver
de l'inspecteur frôlait déjà son front. Palacios se précipita pour l'arrêter.
Il arriva trop tard. Carax était déjà prés de Fumero. J'entendis son cri, très
loin, qui répétait le nom de Bea. La pièce fut
illuminée par l'éclair du coup de feu. La balle
traversa la main droite de Carax. Un instant plus tard, l'homme sans visage
fondait sur Fumero. Je me penchai pour voir Bea courir vers moi, saine et
sauve. Mon regard qui se voilait chercha Carax sans le trouver. Un autre visage
avait pris sa place. C'était Laín Coubert, tel que j'avais appris à le craindre
en lisant les pages d'un livre, bien des années auparavant. Cette fois , les griffes de Coubert se
plantèrent dans les yeux de Fumero comme des crocs. Je pus encore voir les
jambes de l'inspecteur bringuebaler sur le plancher vers la porte de la
bibliothèque, son corps se débattre par saccades pendant que Coubert le
traînait impitoyablement vers le perron, ses genoux rebondir
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