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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince
Autoren: Jocelyne Godard
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prit
le menton entre le pouce et l’index. Puis elle en caressa la pointe quelques
secondes, geste qu’accomplissait autrefois son père lorsqu’il présidait les
séances de conseils. Très jeune, Hatchepsout avait copié ce geste qui lui
plaisait et, surtout, qui lui donnait de l’assurance lorsqu’elle s’attachait au
menton la barbe postiche pour présider les assemblées de dignitaires.
    À présent, à chacun de ses gestes, ses doigts
blancs et amaigris s’agitaient nerveusement et semblaient ne plus avoir de
repos depuis qu’on cherchait à la supprimer. L’index était recouvert d’une énorme
turquoise enchâssée de perles de corail. De superbes fragments chatoyants et
orangés qu’elle avait ramenés du Pount. Des coraux éblouissants qui se mêlaient
étrangement à la couleur de la turquoise bleue et de la verte malachite.
    — Attends, fit Hatchepsout, veux-tu te
rafraichir avant de parler ?
    Sans attendre sa réponse, elle frappa da mains
et une jeune servante vint aussitôt, portant un plateau de boissons fraîches.
    — Aïcha, fit Hatchepsout devenue soudant
pâle et suspicieuse, est-ce bien du sirop d’acacia mêlé à vin de Chypre que tu
m’apportes là ?
    — Oui, Majesté. Voulez-vous que je goûte ?
    D’un geste las, Hatchepsout fit un signe
affirmatif. Combien de ses servantes étaient déjà mortes empoisonnées pour
avoir goûté avant elle les breuvages qu’elle prenait ! Même Nebetta, la
Grande Nourrice Royale n’avait pas survécu à ce terrible sort.
    Aïcha posa le plateau sur la table basse qui
offrait des fleurs fraîches coupées soigneusement et dont les tiges étaient
piquées en terre à côté d’une plante qui leur faisait de l’ombrage.
    Délicatement, avec des gestes mesurés et un
calme parfait qu’au passage la pharaonne admira, elle versa quelques gouttes
sur les pétales des fleurs. Ce test avait été prescrit par Neb-Amon, le
médecin. Quand les délicats pétales mouillés du breuvage se mettaient à friser
légèrement, Hatchepsout ordonnait de jeter la boisson. Quand elles ne
présentaient aucune ridule anormale, Aïcha pouvait goûter.
    Hatchepsout et sa servante regardèrent attentivement
le comportement des fleurs et virent qu’aucun symptôme tragique ne venait en
perturber la fraîcheur et la beauté. Alors, elle se tourna vers Aïcha et jeta :
    — Goûte.
    Nakht s’approcha aussi vite qu’il le put et
retint le bras de la servante.
    — As-tu soif ?
    Alors, Aïcha se mit à trembler. Certes, le
test agissait neuf fois sur dix. Mais, cette dixième fois avait emporté déjà
deux de ses compagnes. Comme Nebetta, elles étaient mortes défigurées,
violacées, déformées dans d’affreuses convulsions.
    — As-tu soif ? répéta le vieil
homme.
    — Non, murmura Aïcha. Mais je dois boire.
    De sa main décharnée, Nakht saisit la coupe et
la tendit à la reine.
    — Me faites-vous confiance ?
    — Oui, puisque je t’ordonne de rester.
    — Alors, bois.
    Aïcha s’élança vers la coupe.
    — Non ! s’écria-t-elle. Ne buvez
pas, Majesté. Je dois goûter avant vous.
    D’un geste sec, Hatchepsout repoussa Aïcha
qui, de ses yeux effarés, regardait l’astrologue.
    — Laisse-moi boire.
    Puis elle se fit plus imprécise, plus douce,
presque tendre et, de sa main qui ne tenait pas la coupe, elle passa un doigt
sur la joue satinée d’Aïcha.
    — Allons, ne tremble plus. Mon destin s’accomplira
comme il se doit.
    Elle ferma les yeux et but d’un trait le
liquide pourpre clair qui, dans sa gorge, eut un terrible goût de fiel.
    Le corps fluet d’Aïcha tremblait comme une
feuille d’acacia secouée par les grands vents de la crue montante et son visage
hagard était tourné vers sa maîtresse. Cependant, les secondes qui passèrent ne
révélèrent aucune trahison.
    — Ce n’est pas par le poison que vous
mourrez, Majesté.
    Hatchepsout eut un las et interminable soupir
qui vida ses poumons et éclaircit ses idées. Ah ! Dieu d’Horus, dieu mâle
des pharaons ! Dieu don elle avait usurpé la barbe, le fléau, la crosse et
le fouet. Mourir par le poison la hantait à un tel point qu’elle ne pouvait
plus rien absorber. Quitter le royaume de la terre avec un visage violacé,
déformé et un corps monstrueusement enflé la terrifiait.
    — Vous pouvez boire et vous nourrir sans
crainte, affirma l’astrologue. Le poison ne détruira pas votre corps.
    Quand, de sa propre initiative, il congédia
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