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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince
Autoren: Jocelyne Godard
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plein cœur et mourir honteusement, plongée dans une mare de
sang rouge, épais et visqueux ? Fuir ! Ce n’était pas là son
tempérament et elle exécrait les lâches et les irresponsables.
    L’astre endormi vu par Nakht dans le ciel
était la seule issue. Elle ! La pharaonne serait l’étoile éteinte par son
seul vouloir. Mais comment se procurer la dose de narcotique suffisante pour ne
plus s’éveiller ?
    Soudain, elle se rappela qu’Aïcha lui avait
parlé de Lien d’Argent, l’une de ses juments personnelles qui devait mettre
bas. Et, tout à coup, elle eut le pressentiment qu’elle tenait l’élément de sa
délivrance.
    Accompagnée d’Aïcha, elle se rendit aux
écuries et demanda à voir la jument. Couchée sur le flanc, l’animal respirait
calmement. De temps à autre, elle léchait tranquillement son pelage. Le poulain
n’était pas encore prêt à sortir du ventre de sa mère. Lorsque Hatchepsout la
regarda, elle eut un glissement du chanfrein vers elle et se mit à hennir
doucement. Hatchepsout caressa sa crinière.
    — Ah ! ma douce, murmura-t-elle,
nous n’irons plus faire de promenades ensemble et tu tireras d’autres chars que
le mien.
    Quand elle vit le palefrenier près d’elle,
elle regretta ses mots jetés à voix basse, car ils ne s’accordaient certes pas
avec ce qu’elle s’apprêtait à lui dire. Mais, il ne semblait pas l’avoir entendue,
alors elle jeta d’un ton bref :
    — Je vais aller au-devant de Thoutmosis
et de son armée et je veux deux jeunes chevaux pour tirer mon char. Montre-moi
les plus fougueux.
    — Majesté ! Ce n’est pas prudent,
fit le palefrenier.
    — Je n’ai pas demandé ton avis, fit
Hatchepsout agacée. Allons, je veux voir le plus fou de tes chevaux.
    Malgré le conseil que venait de lui donner le
palefrenier, Hatchepsout vit s’allumer dans son œil une lueur vive et acérée qu’elle
ne sut interpréter. Était-il lui aussi à la solde d’Antef comme la plupart des
serviteurs ?
    Elle darda son œil froid dans le sien. Le
garçon d’écurie s’inclina devant elle, réfléchit quelques instants et l’amena
vers un box à demi fermé où un jeune cheval noir piaffait dans la paille
fraîche qu’on avait jetée sous ses sabots.
    — C’est Flèche d’Or, Majesté, fit le
palefrenier en approchant l’animal qui se mit à hennir en reculant d’un bond.
Il n’y a pas plus fougueux.
    — Ce cheval me plaît, répliqua la reine.
Il suffira de le calmer un peu la veille du départ. Nous lui donnerons de l’hellébore,
juste ce qu’il faut pour l’apaiser avant de partir. Je vais m’en occuper
moi-même.
    — Majesté, ce n’est peut-être pas la peine.
J’en ai toujours quelques feuilles avec moi que je mélange à leur avoine. Il
arrive souvent que les chevaux aient besoin d’être calmés.
    — Non. Je veux la potion que la Seconde Épouse
fait absorber à ses chevaux et à ceux du prince. Celle dont les ingrédients ont
été préparés par Neb-Amon, le médecin de mon hôpital. On dit que c’est un
calmant efficace et qui n’ôte rien à l’énergie de l’animal.
    Comme le garçon d’écurie la regardait avec une
lueur étrange dans les yeux, un éclat qui n’avait rien de similaire avec celui
qu’il lui avait jeté tout à l’heure, elle poursuivit :
    — Aïcha t’apportera la potion ce soir.
Demain à l’aube, tu prépareras mon char léger. Je ne veux que Flèche d’Or pour
me conduire.
    Elle approcha la main du cheval mais, rétif, l’œil
noir et la crinière vaporeuse, celui-ci fit un écart et rua vers le fond de son
box.
     
    *
    * *
     
    En quelques minutes, tout le palais apprit que
la pharaonne avait le soudain désir d’aller à la rencontre de Thoutmosis. Si
elle n’avait eu autant d’amertume au cœur, Hatchepsout aurait été ravie de la
bonne organisation de son subterfuge.
    Comme par hasard, sur le chemin de l’hôpital,
elle rencontra Antef. Le vieil homme semblait l’attendre entre les colonnes d’albâtre
blanches qui séparaient le palais des annexes diverses constituant l’ensemble
de la résidence.
    Petit, recroquevillé sur lui-même, il se tassa
davantage en plissant les yeux sous ses sourcils blanchis par l’âge.
    — Salut à vous, Pharaonne ! J’apprends
que vous désirez rejoindre votre neveu sur le bord du Nil, au lieu de l’attendre…
    — Enfermée dans mon palais, c’est exact
Antef, coupa nerveusement Hatchepsout. Cela te
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