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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince
Autoren: Jocelyne Godard
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d’osier, un coussin calé dans le dos et les pieds allongés sur un
tabouret.
    On disait encore que des espions étaient à la
solde d’Antef pour glisser sous la porte de sa chambre des cobras venimeux et
suffisamment habiles pour se montrer au moment précis où leur langue acérée s’apprêtait
à piquer leurs victimes.
    Allongée aux pieds d’Hatchepsout qui, sur son
fauteuil, surveillait et épiait plus qu’elle ne dormait, Aïcha couchait à même
le sol, mais ne s’endormait que quand la fatigue la terrassait au point que ses
yeux se fermaient malgré elle.
    À l’arrivée du prince, les jours qui suivirent
furent un tel délire que la foule commençait à s’agiter même dans les rues de
Thèbes. Thoutmosis avait été acclamé à Memphis comme un pharaon. Ses armées
ramenaient une telle quantité de trésors de guerre qu’il n’était plus possible
de douter de la vaillance du futur maître d’Égypte. Esclaves, soldats,
artisans, princesses et princes captifs suivaient en silence le flot des armées
victorieuses, attendant que leur destin soit désigné par le futur pharaon.
    Les villes du bord du Nil, Hermopolis, Thinis,
Denderah, même Abydos où Satiah, disait-on, avait accueilli Thoutmosis en
véritable Seconde Épouse, avaient fêté l’arrivée du vainqueur. À Thèbes, les
festivités s’annonçaient gigantesques. Jamais encore, le peuple n’avait vu une
arrivée aussi triomphale. On avait réquisitionné chanteurs et danseuses du
temple d’Amon, acrobates, jouteurs, musiciens de haute et de basse Égypte. On
avait exercé les conducteurs de chars les plus renommés pour se mesurer dans
des courses qui devaient se dérouler à l’intérieur des cours du palais de
Thèbes.
    Après les obsèques du vieux Nakht qui resta
quarante jours dans le sel de natron pour la bonne conservation de son corps,
après que l’on eût enlevé le liquide de sa cervelle et ôté les viscères de son
corps pour être mis dans des canopes d’argile, après l’embaumement à l’huile de
palme suivi de l’emmaillotement à multiples bandages de fines toiles de lin,
Hatchepsout resta enfermée, songeuse et amère.
    Mérytrê, la Grande Épouse, rayonnante comme
elle ne l’avait jamais été, tenait son fils dans ses bras comme s’il était déjà
pharaon avant même que son père eût reçu la couronne. Quant à Séchât, la Grande
Scribe, trop impatiente d’attendre Neb-Amon à l’intérieur de sa maison, elle
était déjà partie sur les rives du Nil pour accueillir son époux.
    Délaissée par tous, Hatchepsout avait tout le
loisir de réfléchir. Dans quelques jours, elle aurait à se battre plus
farouchement encore contre les dignitaires qui, rentrés à Thèbes, avaient suffisamment
mûri leur plan pour la faire disparaître. Antef reprendrait de l’assurance,
bien qu’il n’en eût jamais perdu et avec lui, l’échec d’un plan en ramenait
toujours un autre.
    Hatchepsout le savait. Pour elle, il n’y
aurait plus aucun répit, aucune lueur d’espoir. Seuls, les espions et les
hypocrites tisseraient leur filet autour d’elle, l’enserrant chaque jour
davantage. Même Aïcha ne suffirait plus à la protéger. Peut-être allait-on, d’ailleurs,
la supprimer avant la pharaonne pour qu’elle ne fasse plus obstruction devant
les pièges et les risques qu’encourait sa maîtresse.
    Certes, Hatchepsout pouvait manger et boire
sans crainte depuis que le vieux Nakht lui avait prédit qu’elle ne mourrait pas
par le poison. Mais elle ne dormait plus, tant elle avait peur qu’on lui jetât
à la face un scorpion ou qu’on glissât un cobra entre les lanières d’osier de
son fauteuil.
    La nuit, elle se plaçait souvent devant le
ciel étoilé et cherchait à comprendre les paroles de Nakht. Elle en venait
toujours à la même signification : l’astre brillant et vainqueur qui, en
une nuit, était devenu une étoile endormie ! L’astre qui avait décidé de
sombrer dans un sommeil profond pour resurgir au plus haut du zénith !
    L’astre ! C’était elle, il n’y avait
aucun doute. Nakht n’avait pas ménagé ses mots. Elle devait réfléchir en ce
sens. À mesure que Thoutmosis approchait de Thèbes, elle en comprenait la signification,
ce qui la faisait frémir. Que pouvait-elle faire d’autre ? S’opposer seule
au prince qui, derrière lui, avait l’assentiment de tout un peuple
applaudissant à grands cris ses victoires ? Fuir, pour ne pas recevoir une
lame d’acier en
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