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L'oeil de Dieu

L'oeil de Dieu

Titel: L'oeil de Dieu
Autoren: C.L. Grace
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était accoutumé aux grands espaces, aux écuries, aux chevaux, et redoutait les ruelles étroites de la ville, la foule malpropre, et les voleurs qui pullulaient comme des rats autour d’un tas d’ordures. Il jeta un regard de côté : oui, quelqu’un les suivait, un petit homme bossu avec des cheveux gris clairsemés, des yeux furtifs et un long nez pointu. Colum le fusilla du regard : il savait reconnaître un fripon quand il en voyait un. De façon évidente, celui-ci épiait Murtagh et son escorte, ou les passants qui s’arrêtaient pour observer ce couple bien vêtu protégé par une petite cohorte d’archers royaux. L’homme, cependant, ne constituait pas un vrai danger, et Colum détourna son regard. Il ne redoutait pas les bandits de Londres, mais les Chiens d’Ulster, c’était une autre affaire. Ceux-ci, qui l’avaient condamné comme traître, avaient juré d’avoir sa tête. Or une rue surpeuplée de Londres était l’endroit idéal pour qu’une flèche s’y égare, ou pour glisser subrepticement un couteau entre les côtes d’un homme.
    — Savez-vous ce que le roi attend de vous, Colum ?
    L’Irlandais fit la grimace.
    — Dieu seul le sait, Maîtresse Kathryn. La lettre venait de son frère, Richard de Gloucester. Je dois rencontrer le roi dans sa chapelle privée à la Tour, le 25 juillet, jour de Saint-Jacques-l’Apôtre. Je n’en sais pas davantage.
    Kathryn pressa son bras.
    — Vous êtes inquiet, Colum ?
    — « En plein coeur de la vie, la mort nous guette », cita-t-il.
    Kathryn à son tour fit la grimace. Parfois elle regrettait d’avoir acheté un exemplaire de l’oeuvre de Chaucer. Depuis, l’Irlandais, avide lecteur, ne cessait de citer des extraits des Contes de Cantorbéry.
    — De quel conte vient cette citation ? demanda-t-elle, taquine.
    Colum leva le doigt comme un maître d’école l’aurait fait pour réprimander un élève.
    — La phrase n’est pas tirée de Chaucer, très savant médecin, mais de la propre histoire de Dieu, la Bible.
    Il eut un large sourire.
    — Cependant, comme le dit le Pardonneur de Chaucer : « Je guette partout la Mort, avec son visage pâle et flétri. »
    Le sourire de Kathryn s’évanouit.
    — Ici à Londres ? chuchota-t-elle. Malgré l’escorte d’archers royaux ?
    — Oh, oui ! murmura Colum. Mes camarades, qui se sont proclamés les Chiens d’Ulster, ne respectent personne. Je suis davantage en danger ici que sur quelque route déserte.
    La conversation s’arrêta là. Ils venaient d’arriver au bord du fleuve et descendirent les marches glissantes jusqu’à la péniche royale qui attendait. Elle était ventrue et spacieuse, avec des sièges confortables sous une tente en cuir pour Kathryn, Colum et Thomasina. Une fois les archers embarqués, le capitaine aboya ses ordres et quatre rameurs écartèrent l’embarcation de la berge pour gagner le milieu du courant. Malgré le changement de marée, le bateau semblait glisser sur l’eau en passant les arches du Pont de Londres où la rivière bouillonnait et grondait comme l’eau d’un chaudron. Un peu effrayée par la rapidité et la puissance du courant, Kathryn détourna les yeux, puis les ferma, révulsée à la vue de pieux immenses plantés sur le pont, sur lesquels étaient empalées les têtes de traîtres en train de pourrir. Colum, qui avait suivi son regard, voulut la distraire en lui indiquant les palais aux murs de pierre blanche, les élégantes flèches de plusieurs églises, et les bateaux que croisait la péniche : galères vénitiennes, gros navires marchands de la Baltique, et les grands deux-mâts de guerre du roi.
    Ils arrivèrent enfin à la Tour. Malgré le soleil, la forteresse paraissait sombre et sinistre. Ils quittèrent le bateau pour emprunter le chemin caillouteux menant à la poterne du Lion que gardaient des soldats en armes portant la livrée royale, le sanglier rouge rampant de Gloucester ou le taureau doré de Clarence. On vérifia les mandats des nouveaux arrivants, puis on les escorta dans un dédale de voies étroites. Kathryn promenait autour d’elle un regard plein d’appréhension. C’était ici, n’est-ce pas, que naguère, quand les seigneurs yorkistes étaient revenus triomphants après leurs victoires à Barnet et Tewkesbury, le vieux roi Henri, que certains disaient un saint homme et d’autres un fou, avait été poignardé à mort ? Ils contournèrent un angle et traversèrent l’herbe pour se
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