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L'oeil de Dieu

L'oeil de Dieu

Titel: L'oeil de Dieu
Autoren: C.L. Grace
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sage, un trésor rare, poursuivit-il.
    Il adressa un clin d’oeil de connivence à la reine, qui répondit par un sourire forcé avant de poser sur Kathryn un regard furieux. Gloucester vint alors se placer à côté du trône, et Clarence l’imita. Ils serrèrent la main de Colum avant de baiser courtoisement celle de sa compagne. Des dagues acérées dans des fourreaux de velours, voilà ce qu’ils étaient, songea Kathryn. Gloucester semblait assez amical avec son sourire en coin, mais Clarence lui déplut d’emblée à cause de ses airs sarcastiques et méprisants et de ses manières affectées. Il se moquait d’elle, à n’en pas douter, aussi Kathryn rengaina son sourire de circonstance. Par-dessus l’épaule de Clarence, elle surprit le regard d’Édouard : lui aussi fixait son frère d’un oeil sombre.
    — Clarence est un traître, avait expliqué Colum sur la route de Londres. Il s’est battu aux côtés de Warwick et des Lancastre et n’a changé de bord qu’avant Barnet. Un de ces jours, le petit frère George changera de camp trop lentement, et le roi aura sa tête.
    Kathryn leva furtivement les yeux sur ces quatre puissants personnages qui tenaient entre leurs mains le sort du royaume. Elle tentait de dissimuler son malaise maintenant que le silence était revenu dans la chapelle. Le roi se pencha en avant et, frappant le sol d’un de ses cothurnes de fine peau ornée de pierreries, s’adressa à Colum.
    — Eh bien, Irlandais, parlez-moi de mes écuries de Kingsmead.
    — On reconstruit le manoir, Sire, on prépare les enclos ; quant aux écuries, elles sont enfin prêtes pour recevoir vos chevaux.
    Le roi pianota sur le bras de son siège.
    — Et la ville de Cantorbéry ?
    — Elle vous est loyale, Sire.
    Le roi esquissa une grimace, plissant les yeux.
    — Qu’en est-il du traître Nicholas Faunte ?
    Colum remua, mal à l’aise. Il n’était pas seulement Maître des écuries royales, mais aussi commissaire spécial à Cantorbéry. Pendant la récente guerre civile, la ville avait soutenu Warwick et les lancastriens, suivant ainsi son maire, Nicholas Faunte, aujourd’hui en fuite. Or Colum connaissait le roi.
    Quand il estimait qu’un homme devait mourir, fût-il prince ou pauvre hère, il fallait qu’il en soit ainsi.
    Édouard n’avait pas oublié que l’appui de Faunte aux Lancastre avait failli lui coûter le contrôle des grandes routes de Douvres.
    — Vous ne l’avez donc pas encore capturé ? demanda Clarence en s’avançant pour se placer à côté du trône, les pouces dans sa superbe ceinture brodée.
    — Non, je ne l’ai pas encore capturé, répliqua Colum, fixant toujours le roi. J’avais d’autres tâches, Monseigneur. Comme le sait Sa Majesté, la trahison est une mauvaise herbe dont les racines sont très profondes.
    Clarence saisit l’allusion sarcastique et rougit. Gloucester inclina la tête pour dissimuler un sourire grinçant, tandis que le roi gardait les yeux sur Colum.
    — Faunte sera pris, dit-il lentement. Maître Murtagh a d’autres sujets de préoccupation.
    Il regarda Kathryn.
    — Et vous, Maîtresse Swinbrooke, vous avez donc pris cet Irlandais dans votre demeure ?
    — Je le loge, Sire, répliqua vivement Kathryn. Je suis une veuve honorable. Mon père était médecin à Cantorbéry.
    — Et feu votre mari ?
    L’embarras de Kathryn s’accrut et elle baissa la tête.
    Le roi insista, se penchant en avant :
    — Alexander Wyville, votre mari, qui exerçait la profession de marchand d’épices, a rejoint, je crois, les troupes de Faunte ?
    Colum intervint :
    — Ils furent nombreux, ceux qui épousèrent la cause de Lancastre, Sire, et ce n’est pas un crime à reprocher à Maîtresse Swinbrooke.
    La reine intervint, sa voix douce comme le roucoulement d’une colombe :
    — Nous n’avons pas dit cela.
    Kathryn prit un air de défi.
    — Mon mari a suivi son coeur, déclara-t-elle.
    — Mais il est mort, n’est-ce pas ? interrogea Clarence.
    Kathryn haussa les épaules.
    — Pour moi, il l’est, Monseigneur. Cependant, Dieu seul sait s’il est mort ou vivant.
    Cette fois, Kathryn jetait toute prudence aux orties. Elle avait du mal à croire qu’on l’ait convoquée ici pour l’interroger sur sa vie privée. Elle reprit :
    — Alexander Wyville peut être avec Faunte ; il peut être en France ou encore au Ciel ou en Enfer. Il peut même se trouver parmi les membres de votre maison, Sire, ou dans
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