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l'incendie de Rome

l'incendie de Rome

Titel: l'incendie de Rome
Autoren: Jean-François Nahmias
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dernier acte eut lieu à la tombée de la nuit, un peu plus loin, dans le cirque de la propriété vaticane. C’était là qu’allait se dérouler ce que l’empereur avait prévu comme le clou du spectacle. Des poteaux avaient été dressés sur le terre-plein central et autour de la piste. Le dernier groupe de chrétiens y fut amené. Les hommes et les femmes recouverts de la  tunica molesta  furent attachés de place en place. On allait y mettre le feu et une course de chars aurait lieu dans cette lumière vivante.
    Lucius et Délia furent conduits sur le terre-plein. Lucius était tout à l’extrémité, près de la borne autour de laquelle les concurrents négociaient leur virage. Il y avait une ligne tracée sur le sable devant lui : c’était sans doute là qu’aurait lieu le départ. Délia était assez près pour qu’ils s’entendent. Pour la première et la dernière fois, il lui déclara son amour. En réponse, elle lui cria le sien :
    — Je t’aime, Lucius. Nous nous reverrons en Dieu.
    Et elle se mit en prières. Lucius aurait voulu lui parler encore, jusqu’au bout, mais il décida de ne pas troubler son recueillement… Livré à lui-même, il pensa alors à ce Dieu dont elle venait de prononcer le nom. Sa vie touchait à son extrême limite, il n’était que temps.
    Croyait-il en lui, ainsi qu’il l’avait dit lors du baptême ? Il aurait aimé avoir la même certitude que Délia, être assuré qu’ils se rejoindraient après leur mort, qu’ils passeraient l’éternité ensemble, comme cet homme et cette femme qui banquetaient dans la chambre funèbre. Mais, à vrai dire, il ne s’était pas produit en lui l’illumination qu’avait eue sa compagne. Il fallait donc qu’il se contente de ce qu’il possédait et cela tenait en un seul mot : l’amour. Il aimait, mais il n’aimait pas seulement Délia, ni même tous ces hommes et ces femmes qui allaient mourir en même temps que lui, son amour s’étendait à l’humanité entière.
    Les chrétiens avaient accompli ce miracle de le faire sortir de lui-même. L’idéal de perfectionnement de soi ne manquait pas de beauté, mais l’amour d’autrui était plus grand encore et il remerciait du fond du cœur le Christ de l’avoir enseigné aux hommes. Maintenant, était-il le Dieu unique, le créateur de toutes choses ? Pour le savoir, il suffisait d’attendre. Dans quelques instants, il franchirait la barrière interdite aux vivants et il aurait la réponse, s’il était encore là…
    Un brusque remue-ménage le tira de sa méditation. Les attelages à quatre chevaux se rangeaient pour le départ. Des porteurs de torches à pied vinrent les rejoindre pour les éclairer. Cette vision lui rappela que, bientôt, ce serait lui-même qui en ferait office. Il cessa tout aussitôt d’y penser. C’était curieux, mais c’était ainsi, il n’avait pas peur. Il reporta, au contraire, son attention sur les concurrents et il découvrit que le plus proche n’était autre que Néron lui-même !
    Oui, c’était bien lui. Il était là, à quelques pas, si près qu’il sentait presque l’haleine de ses chevaux. Son visage était à la hauteur du sien, ce visage massif et rubicond qu’il connaissait si bien, couvert de sueur, comme à son habitude, sous le casque de cuir. Les chevaux étaient nerveux, piaffaient, il avait du mal à les maintenir à l’arrêt, tirant sur les rênes à petits coups. Les essieux grinçaient. L’une des bêtes se mit à hennir, il lui lança :
    — Tout doux ! Tout doux !…
    Un souvenir revint à Lucius : c’était dans les toilettes impériales, l’empereur, assis en face de lui, lui disait que, bientôt, il paraîtrait dans un cirque avec un attelage et il lui demandait s’il viendrait le voir… C’était fait !
    Néron tourna brusquement la tête vers sa droite, en direction du public. Des huées éclataient dans les gradins. On venait de le reconnaître et elles lui étaient destinées. Tout à l’heure, au théâtre, personne ne l’avait conspué ; c’était peut-être l’obscurité qui donnait cette hardiesse au peuple.
    Lucius vit l’empereur se remettre à regarder devant lui. Il serrait les poings, se faisant à lui-même des signes d’encouragement. Il se concentrait sur sa course, espérant qu’à la faveur de celle-ci, il retournerait l’opinion populaire. Mais il
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