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l'incendie de Rome

l'incendie de Rome

Titel: l'incendie de Rome
Autoren: Jean-François Nahmias
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rassemblement pour le faire. Seulement, la question qu’il allait poser aux uns et aux autres était pour le moins inattendue : les Romains voulaient-ils entendre Néron chanter ? Le chant était, en effet, la passion du successeur et fils adoptif de Claude. Tout le problème, pour lui, venait de ce qu’il n’avait jamais voulu être empereur. Il n’était à ce poste qu’à cause de l’ambition effrénée de sa mère Agrippine, qui n’avait reculé devant aucun crime pour le porter au pouvoir. Une fois arrivée à ses fins, elle avait voulu gouverner à travers lui et, comme il ne s’était pas laissé faire, elle avait comploté pour le renverser. Néron s’était résolu à la faire assassiner. Après la disparition d’Agrippine, il n’avait pas osé se livrer tout de suite à sa passion. Mais, en cette dixième année de son règne, il venait de donner à Naples une série de récitals, qui avaient été, paraît-il, un triomphe. Cela ne suffisait pourtant pas au jeune César. Il rêvait, à présent, de chanter devant les habitants de sa ville, Rome. Seulement, est-ce qu’ils accepteraient cette initiative, si étonnante de la part d’un empereur ?
    Tigellin avait voulu le savoir avant que Néron franchisse le pas, car il aurait été dommage qu’il gâche la popularité qui était la sienne. Les premières années de son règne avaient été marquées par une entente parfaite avec ses sujets. La paix régnait, le temple de Janus, dont on ouvrait les portes quand le pays était en guerre, était fermé pour la première fois depuis des décennies, pour ne pas dire des siècles. La prospérité était générale, les richesses affluaient du monde entier en direction de Rome et les fêtes données par l’État n’avaient jamais été aussi fastueuses.
    Oui, le peuple aimait Néron ! Depuis qu’il interrogeait les Romains à son sujet, Lucius Gemellus n’avait recueilli que des louanges. On l’admirait tout autant pour sa sage manière de gouverner que pour son physique. Il faut dire qu’il avait fière allure quand on le comparait à son prédécesseur Claude, dont l’ivrognerie et la goinfrerie avaient fait un vieillard précoce. Néron, au contraire, avait quelque chose de sain et de vigoureux, avec sa stature puissante et sa flamboyante chevelure rousse. Bien sûr, il y avait le meurtre de sa mère, mais, après en avoir été un instant choqué, le peuple l’avait absous. En recourant à ce moyen extrême, le jeune empereur n’avait fait que se défendre. Agrippine, on le savait, était capable de tout. Elle l’avait montré par le passé, en particulier quand elle avait assassiné son mari. S’il y avait une criminelle, c’était elle et non son fils !
    Grâce à Néron, le peuple s’était réconcilié avec ses empereurs. Il faut dire qu’après le sage gouvernement d’Auguste, ses successeurs s’étaient signalés par leurs excès. Tibère, le libidineux, s’était enfermé à Capri pour se livrer à ses orgies, tout en laissant un affranchi gouverner à sa place. Caligula, le fou, avait commis tellement d’atrocités que le sénat avait décidé de le rayer de la liste des empereurs ; officiellement, il n’avait jamais existé. Et que dire de Claude dont la première épouse, Messaline, avait fait le plus grand cocu du pays et qui ne s’était préoccupé que de son ventre ? Oui, Tigellin avait raison : il aurait été dommage de perdre une telle popularité pour ce qui apparaissait, dans le fond, comme un caprice…
    Une rumeur, accompagnée d’une bousculade, parcourut la foule. On se tassait pour faire place à la future victime qui arrivait sur l’esplanade. Celle-ci, une vache au ventre rebondi, était, comme il se doit, d’une couleur blanche immaculée. Son front était orné de bandelettes et ses cornes recouvertes de peinture dorée. Deux serviteurs, qui l’encadraient, tenaient celles-ci par la main. Derrière, allait le sacrificateur, avec sa hache sur l’épaule. Lucius Gemellus se décida à se mettre au travail. Il apostropha son voisin, un gros homme à la forte carrure :
    — N’empêche que je lui en veux, moi, à Néron !
    L’intéressé le dévisagea avec un regard soupçonneux.
    — Et pourquoi, s’il te plaît ?
    — Parce qu’il est allé chanter à Naples, pardi ! Un empereur qui chante, cela n’arrive pas tous les
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